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que, pour le premier volume de sa collection, M. Martin Hume a choisi un chapitre de l’histoire anglaise où ses études et recherches précédentes lui permettaient d’ajouter une foule de menus détails inédits à l’ensemble des matériaux déjà publiés ; et vraiment, il n’y a pas une ligne de son récit des rapports de Philippe II avec les deux reines Marie Tudor et Elisabeth qui ne s’appuie sur de précieux témoignages anglais ou espagnols, dont plusieurs utilisés pour la première fois. Évidemment le désir de nous rendre l’histoire « romanesque » implique avant tout, dans la pensée du biographe des Femmes d’Henri VIII et de la Famille de Philippe IV, l’obligation de la rendre plus précise, plus minutieuse, et plus sûre : toutes choses qui ne manqueront point de valoir, à la collection commençante, la curiosité et l’estime des lecteurs anglais.

Avouerai-je, cependant, que le premier volume de cette collection, malgré son incontestable mérite, ne me paraît point réaliser pleinement les conditions qu’exigerait, à mon avis, un traitement « romanesque » des faits historiques ? Car si M. Hume a certes bien raison de s’interdire, vis-à-vis de ces faits, les libertés qui, de tout temps, ont condamné le « roman historique » à ne satisfaire ni les amateurs du roman, ni ceux de l’histoire, il ne laisse pas de se tromper, d’autre part, en croyant que l’étrangeté ou l’intérêt pathétique des sujets suffisent, par eux-mêmes, à nous émouvoir, sans que l’historien ait besoin d’y mettre en œuvre aucune des qualités d’un bon romancier. Lorsque M. Lenôtre ou M. Funck-Brentano, par exemple, ont recueilli dans les archives l’ensemble des documens relatifs à la conspiration de La Rouerie ou au procès de Mandrin, ils tâchent à se représenter l’aspect pittoresque, la couleur, l’odeur, et le son réels des événemens qui viennent de leur être révélés, et, plus encore, la figure vivante des acteurs, grands ou petits, de ces événemens. Il y a là un art d’évocation et de reconstitution qui, pour être commun à l’historien et au romancier, n’en forme pas moins un élément nécessaire de l’agrément du récit, et d’ailleurs s’accommode fort bien de l’exactitude documentaire la plus scrupuleuse. Or, non seulement M. Martin Hume, dans son dernier livre, ne s’est pas avisé de l’avantage qu’il aurait eu à nous offrir ainsi, pour répondre au titre de sa collection nouvelle, une image plus poussée des hommes et des choses qui lui défilaient sous les yeux : on serait même tenté d’admettre qu’il a renoncé, pour son premier essai formel d’ « histoire romanesque, » à des procédés d’analyse psychologique et de condensation littéraire qui, précédemment, lui avaient servi à rehausser