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l’émotion. A côté d’elle, Mlle Marguerite Brésil a été à peu près parfaite de « rosserie » mondaine dans le rôle de Mm" Destrier. M. Tarride aurait sauvé le rôle malencontreux de Le Hazay, s’il avait pu être sauvé. M. Lérand a dessiné avec beaucoup de pittoresque la figure de l’inventeur ivrogne. Et il faut signaler M. Puylagarde pour la chaleur avec laquelle il a joué le rôle difficile du jeune homme.


Le Passe-Partout, qui se fût jadis appelé l’Ecole des frères, contient une étude de caractères qui n’est pas négligeable. Deux frères ont été rivaux de tout temps. Lionel était beau, bien fait, intelligent, il avait tous les prix et récoltait tous les succès ; Eugène était disgracieux, rude, d’esprit lent, il ne faisait pas honneur ù la famille. Aussi toutes les cajoleries allaient à Lionel et les rebuffades étaient pour Eugène. On voit de ces destinées parallèles se faire vis-à-vis sur les images d’Épinal. Arrivés à l’âge où l’on entre dans le monde, tandis qu’Eugène végète incurablement, Lionel se fait une position superbe. Il a l’une des plus belles situations de Paris : directeur d’un grand journal de chantage. Il va sans dire que les deux frères aimeront la même femme, et qu’à cette occasion éclatera entre eux la scène d’explications longtemps différée, toujours attendue. Lionel reproche à Eugène son impuissance, sa paresse, son envie de raté. Eugène riposte en incriminant l’égoïsme monstrueux de Lionel, toujours choyé, adulé et à qui il a été constamment sacrifié. Et ils ont tous deux raison. Il fallait finir : vous apprendrez avec plaisir, non toutefois sans un peu de surprise, que Lionel s’est soudain converti. Les deux frères sont réconciliés… au moins jusqu’à la semaine prochaine.

Le second acte, qui se passe dans les bureaux de rédaction du Passe-Partout, a beaucoup amusé le public ; j’ai à peine besoin de dire que l’intérêt de la pièce n’est pas là, et qu’il tient tout entier dans l’esquisse fort habilement indiquée de la rivalité fraternelle.

M. Dumény est charmant sous les traits de Lionel Régis ; on ne nous fera jamais croire qu’un jeu aussi sympathique puisse cacher l’âme d’un mauvais frère. M. Gaston Dubosc, le frère sacrifié, est excellent de gaucherie et de rudesse ; Mme Marthe Régnier très agréable dans le rôle un peu trop effacé et eh dedans de Mme Helloin.


R. D.