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accompli par M. Jaurès remplit de joie les combistes. Tandis qu’un socialiste de droite, M. Etienne Buisson, signale la responsabilité qu’encourt M. Jaurès par l’équivoque préméditée d’un langage que ses vastes auditoires peuvent interpréter dans tous les sens, « même dans celui qui est favorable aux tentatives de grève les plus dangereuses pour le prolétariat ouvrier, » M. Lafferre, commandeur des francs-maçons, estime que M. Jaurès enterre la grève générale, tant il y met de précautions et de conditions. Après s’être déclarés, à leur récent Congrès de Dijon, à demi convertis au collectivisme, les radicaux socialistes répondent avec empressement à l’appel de M. Jaurès, quand il déclare à Toulouse que les socialistes savent faire néanmoins une différence entre leurs adversaires, qu’ils ne confondent pas les partis de réaction avec une honnête, démocratie radicale (celle des Combes, des Pelletan, des André). Le Bloc est mort, c’est entendu, mais la discipline républicaine, l’action parallèle ne suffisent-elles pas à toutes les ententes, à toutes les compromissions ? Et ainsi appuyé sur sa droite par l’armée combiste, sur sa gauche par la Confédération, M. Jaurès, à la tête de sa phalange macédonienne, marche sur M. Clemenceau.

Dans sa lutte contre les socialistes, M. Clemenceau a le pays avec lui. Les socialistes, si restreints en nombre, ne sont forts que des divisions de leurs adversaires. L’éclatante leçon qui se dégage des Congrès de Marseille et de Toulouse, pour tous ceux qui croient que la civilisation est inséparable de la propriété privée, que tout progrès social, dans nos sociétés si complexes et si agitées, a pour condition première l’ordre légal et la sécurité extérieure, c’est la nécessité de s’unir comme en Allemagne, comme en Suisse, contre l’ennemi commun. Le voudront-ils ? Le pourront-ils ? Qui vivra verra.


J. BOURDEAU.