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proportionnelle s’imposerait. Un syndicat de coiffeurs de quelques milliers de membres ne pourrait plus contre-balancer une fédération de dix mille métallurgistes. Pourvue, sinon encore de capitaux, du moins de cotisations plus considérables, ces grandes organisations choisiraient des chefs responsables. Difficiles à manœuvrer, désireuses de calme et de conservation comme toutes les institutions trop massives et trop compliquées, les fédérations seraient-elles perdues pour le syndicalisme révolutionnaire ? Ce sont les faibles contingens qui, d’ordinaire, engagent les hostilités. Les gros bataillons suivent.

Nous avons essayé de débrouiller les discussions confuses de ce Congrès, qui prouve à quel point la tradition révolutionnaire hante nombre d’ouvriers français. Quel contraste, lorsqu’on les compare aux classes ouvrières des autres nations industrielles ! A Marseille, comme toujours, les questions purement économiques, le lock out, les assurances, la journée de huit heures, ont été expédiées sans discussion, au pas de course.

La cause du réformisme a été défendue par les meilleurs orateurs. Les discussions sans ampleur sont restées sans portée. La victoire du Comité confédéral reste certaine. Il n’est pas probable que sa direction, ses tendances puissent être facilement enrayées. Sans doute des réformistes tels que M. Guérard ont parlé après le Congrès de demi-retraite, de scission morale. Ils n’iront pas jusqu’à la déchirure complète, qui s’accomplirait pareillement dans leur fédération et sèmerait la division dans les forces ouvrières. La caractéristique du Congrès de Marseille c’est qu’il n’y a plus été question, comme à Bourges et à Amiens, d’engager les hostilités ; après l’expérience des derniers engagemens, il s’agit de fortifier, de concentrer les troupes de combat.


II. — LES SOCIALISTES UNIFIÉS AU CONGRÈS DE TOULOUSE

Au lendemain même du Congrès de Marseille, les socialistes unifiés se réunissaient à Toulouse, du 15 au 17 octobre. Entre le personnel de ces deux états-majors, quelle opposition, quel contraste ! A Marseille ne siégeaient que des ouvriers syndiqués. Sans doute des « intellectuels, » des syndicalistes sans syndicats, s’agitaient dans la coulisse, voire peut-être dans le trou du souffleur. Mais les membres officiels de la C. G. T. se composent d’un cordonnier, de deux coiffeurs, d’un boulanger, d’un