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faisait remarquer qu’un oubli matériel dans la rédaction du manifeste contre la guerre, en dénaturait le sens : il fallait lire grève générale simultanée. Malheureusement, sur ce point d’entente internationale, il y a mésintelligence complète entre les syndicats français et étrangers : Griffuelhes en fit l’amère expérience, lors de sa mission à Berlin, au moment où l’affaire du Maroc s’envenimait. C’est en vain qu’il tentait d’entraîner les chefs des syndicats allemands à une démonstration commune contre la guerre. Il fut impoliment éconduit.

Dans le mouvement syndical européen, la C. G. T. fait bande à part. Sans doute nombre de fédérations françaises, mineurs, verriers, etc., prennent part aux congrès internationaux de leurs industries respectives ; mais la C. G. T. s’est abstenue d’envoyer des délégués aux deux dernières conférences internationales des secrétaires des syndicats centralisés, allemands, anglais, belges, etc., à Amsterdam et à Christiania, bien qu’elle s’y rattache nominalement et paie sa contribution. Ces conférences, quel scandale ! ne s’occupent en effet que de questions corporatives, et la C. G. T. émet la prétention, toujours repoussée, que la Conférence inscrive à son ordre du jour la Grève générale et l’antimilitarisme. En termes plus enveloppés qu’à Amiens, le Congrès de Marseille renouvelle cette condition, et enjoint en même temps au Comité confédéral d’inviter le bureau intersyndical à créer des congrès internationaux du travail. Ce n’est pas par la porte des Congrès socialistes que les syndicalistes veulent se mettre en contact avec leurs camarades des autres pays. Les délégués de la C. G. T. se chargent de donner à cette internationale vraiment ouvrière, si jamais elle se fonde, une impulsion révolutionnaire.

Battus sur toutes les questions, les réformistes n’ont emporté de Marseille qu’une fiche de consolation, dont ils attendent une revanche. Les efforts accomplis ces dernières années par le patronat en vue de constituer de puissans organismes de résistance, entraînent les ouvriers à la centralisation, aux dépens du caractère fédéraliste qui distingue le syndicalisme français. Afin d’accroître la concentration des forces ouvrières, il a été décidé que les fédérations de métiers devaient se fondre dans les fédérations d’industrie. Si le mouvement se généralisait, la C. G. T., au lieu de comprendre une soixantaine de fédérations, se réduirait à une douzaine. Dès lors, la représentation