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L’antimilitarisme, corollaire obligé de la grève générale, et l’attitude de la classe ouvrière en temps de guerre, mis ensuite sur le tapis, enflammèrent plus encore que les questions précédentes les passions des congressistes. L’assemblée se transforma sur-le-champ en réunion publique échevelée. L’anarchiste démagogue Broutchoux, de la Fédération des mineurs, celui-là même qui avait fait décrocher le drapeau tricolore de la porte du Congrès, était acclamé par bravade président d’une des séances. Vingt et un discours furent vociférés : les hervéistes s’en donnèrent à cœur joie. Le patriotisme ne trouva pas un seul défenseur. Les orateurs du côté droit se bornèrent à faire remarquer que patriotisme et anti-patriotisme étaient des questions « métaphysiques » qui relevaient de la conscience de chacun, et que l’union et l’organisation de la classe ouvrière, par-dessus les frontières, est un puissant gage de paix. Il s’agit de faire une propagande intense, afin d’empêcher une déclaration de guerre. Celle-ci vient-elle à éclater ? l’attitude à prendre ne dépend plus des syndicats. — La motion proposée par la majorité écarte l’armée des grèves, et recommande aux soldats, comme le devoir le plus impérieux, de ne pas faire usage de leurs armes : sur ce point, il y avait unanimité. Elle déclare, non que les travailleurs sont antipatriotes, mais qu’en réalité, ils n’ont pas de patrie, et ne connaissent que les frontières économiques, séparant deux classes ennemies, les capitalistes et les ouvriers. La guerre fait diversion aux revendications ouvrières. Il faut instruire les travailleurs afin qu’ils répondent à la déclaration de guerre par une déclaration de grève générale révolutionnaire.

Ce texte a été voté par 681 voix contre 421 et 43 abstentions des délégués mineurs, partisans de la grève générale, mais qui gardaient des scrupules sur l’adjectif révolutionnaire ; pour ce mot-là, ils n’avaient pas reçu mandat de leurs commettans. On a voulu voir cependant dans cette résolution du Congrès de Marseille une atténuation marquée de celle, plus provocante dans la forme, du Congrès d’Amiens, un désaveu indirect du Manuel du soldat, publié et répandu à des milliers d’exemplaires, sous l’égide de la C. G. T., prêchant la désertion ou l’insoumission même en temps de paix. Peut-être les rédacteurs de la motion du Congrès se sont-ils simplement inspirés de cette prudence dont ils ne voulaient cependant pas entendre parler ?

Au lendemain du Congrès, Merrheim, des métallurgistes,