Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La seconde branche de la Confédération, les Bourses du travail, sont passées, en deux ans, de 135 à 157. Elles groupent, dans une même ville, les syndicats des métiers les plus divers : en ces milieux surchauffés, les intérêts corporatifs, le placement des ouvriers assigné à leur fonctionnement, passent à l’arrière-plan. Elles deviennent des foyers d’agitation intensive. Nombre de municipalités ont dû leur retirer les locaux et les subventions, ou en expulser les syndicats affiliés à la G. G. T.

Passons aux finances : on sera frappé de l’exiguïté des ressources. Les Fédérations ne versent à la Confédération que 27 339 fr. ; les Bourses, 16 399 fr. La caisse des grèves ne dépasse pas 23 801 fr. 85 ; celle de la propagande 5 189 fr. 80 ; celle de la grève générale, 5 034 fr. 95 ; c’est la révolution au rabais ! Quel contraste entre cette pénurie, et la richesse des Trade Unions anglaises et des Gewerkschaften allemandes, qui se chiffrent par millions ! Mais les syndicalistes français estiment que l’élan de haine et de révolte est en raison inverse des intérêts mutualistes. Ils veulent avoir sous la main des syndicats pauvres pour en faire des syndicats insurgés.

Le rapport énumère les hauts faits accomplis par les militans depuis le Congrès d’Amiens ; réponse, au Sénat, sur le projet des retraites ouvrières, ce piège dressé sous les pas des travailleurs ; lettres et affiches de protestation contre l’emprisonnement des militans, à la veille du 1er mai ; meetings indignés au lendemain des massacres de Narbonne et de Raon-l’Etape ; imprécations contre le procès intenté devant les assises, aux douze camarades choisis arbitrairement parmi les soixante-sept signataires de l’affiche Gouvernement d’assassins, jusqu’aux dernières aventures, la grève des terrassiers, la tuerie de Villeneuve-Saint-Georges.

Devant le Congrès, cette politique a été blâmée avec sévérité, avec courage, par le réformiste Renard, au nom de la Fédération du textile. Il a déchaîné une tempête en s’écriant qu’il était honteux de livrer à quelques fous des gens qui remplissent leur devoir dans les organisations. Selon l’expression d’un autre délégué, « on n’avait fait que conduire les camarades à l’abattoir. » Mathieu, des terrassiers, déclare, au contraire, qu’après le massacre, les camarades sont plus animés au combat que jamais. Sergent proteste, au nom de la minorité révolutionnaire des typographes, contre le référendum réformiste organisé en désaveu des