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toute la confiance de la nation, d’en devenir le libérateur, et vous tâcheriez de l’amener à se concerter avec vous sur les meilleurs moyens d’y parvenir.

« Il serait particulièrement à désirer que vous puissiez faire sentir au général Moreau que le point le plus essentiel serait que les divers partis agissent dans un même sens, par exemple, les républicains avec les royalistes, parce que, sans contredit, c’est de cette union que pourrait résulter le bien, et certainement la France aurait toujours beaucoup gagné si elle pouvait remplacer, par une monarchie mitigée, la véritable tyrannie sous laquelle elle gémit en ce moment. Cependant, vous n’insisterez aucunement pour que le général Moreau agisse de concert avec les Bourbons, si vous remarquiez qu’il y a de la répugnance et vous l’assurerez que nous adopterons avec confiance les plans quelconques qu’il tracera.

« Enfin, si vous aviez lieu de croire que le général Moreau serait prêt à seconder la Russie dans ses vues, vous vous ouvririez entièrement à lui et vous lui annonceriez que l’Empereur, mettant la plus grande confiance dans ses talens, dans son patriotisme et dans sa loyauté, serait charmé qu’il voulût entrer à son service ou prendre une part à la délivrance de la France, de la manière dont il croirait le plus facilement pouvoir y parvenir. Vous lui promettriez les avantages indiqués dans la lettre que je vous adresse sur cet objet[1], et vous l’assureriez que, s’il faut faire des sacrifices pour l’assister dans les plans qu’il formera ou les faire adopter par telle Cour, ou telle personne qu’il indiquera, nous y apporterons tous nos soins, qui ne seront certainement pas sans effet.

« S’il acceptait vos offres, vous vous embarqueriez avec lui pour revenir en Europe. Vous tâcheriez de prendre langue avec l’un de nos ministres soit en Espagne, en Italie, en Angleterre ou en Allemagne, pour savoir quelle est la situation de nos armées et vous conduiriez le général Moreau à celle dont vous pourriez vous approcher avec le plus de facilité.

« Dans l’intervalle, nos généraux seront instruits sur la manière dont ils auront à se conduire à son égard ; mais, avant tout, vous engageriez le général Moreau à mettre ses plans par écrit, et vous nous les feriez parvenir le plus promptement possible. »

  1. Cette lettre n’a été retrouvée ni dans les Archives de Russie, ni dans les papiers de Moreau.