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d’Angleterre. Il est plus sain et plus vivant. Le rêve anglais est une quintessence si heureuse. Les lignes du paysage peuvent être et sont souvent, en New-England surtout, sobres et graves, mais l’air est pur, et d’une inaltérable clarté. Combien l’absence de cette lumière fut une cause de souffrance pour les poètes anglais ! avec quelle passion ils ont chanté l’ensoleillement des terres méridionales ; et Keats n’avait-il pas autant soif de lumière que de chaleur quand il implorait « une coupe pleine de chaud midi ! » Ainsi, loin que le paysage qui l’entoure lui soit une cause de tristesse et l’exhorte à s’abstraire en lui-même, le poète américain a comme une invitation perpétuelle à regarder, et à modeler son idéalisme sur une vie abondante et sereine.

A cette physionomie en formation de l’idéalisme américain, quel trait M. Henry van Dyke ajoute-t-il ? Il a été facile de voir, par les quelques vers de lui qui ont été cités, que, lui aussi, il a « un message à porter. »

Son message, c’est la doctrine de la joie de vivre. Et pour cette leçon si bienfaisante, je voudrais rattacher Henry van Dyke, non aux puritains ses ancêtres, qui certes ignoraient le mot et la chose, mais, au-delà de leur passage sur la terre et de leur sombre empreinte dans les esprits, aux chrétiens de tout âge et de tout lieu qui comprirent le christianisme tout entier. Car la joie de vivre qu’il chante est d’une fort délicate essence, et elle ne saurait exister sans une mentalité avertie et forte. Il est inutile de dire qu’il ne s’agit pas de jouissances brutales ; il ne s’agit pas davantage d’une joie de vivre oublieuse des souffrances, fanfaronne devant la vie où erre la douleur comme la chanson d’un homme effrayé dans la nuit inquiétante. Et ce n’est pas même une joie de dilettante qui se nourrit de petits plaisirs multipliés complaisamment. Il croit tout simplement, d’une foi robuste et virile, que la vie est « une chose harmonieuse » et qu’elle vaut la peine d’être vécue, « même les jours où c’est si dur de vivre. » Et c’est par là que sa conception est chrétienne, car c’est l’acceptation non seulement résignée, mais joyeuse de l’existence tout entière, « faite de misère et de splendeur mêlées. » Il sait que deux choses nous y aident, qui toutes deux sont voulues par une bonté compatissante : le sens du divin, inné en nous, mais dont beaucoup découragent la croissance, et qui peut cependant transfigurer toute vie ; et la beauté de l’univers qui est un inépuisable réservoir de joie. M. Henry van Dyke s’est parfois laissé aller à « prêcher » cette doctrine