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Avant la réception de cette dépêche de janvier, Kisselew se rendit au bal de la cour, où le Roi et la Reine lui firent un accueil très gracieux.

A l’occasion de la mort subite du duc d’Orléans, l’empereur Nicolas Ier jugea opportun d’exprimer ses sincères condoléances à la famille royale. Le Roi fut très touché de ces paroles et de ces témoignages de sympathie de l’Empereur.

Le Cabinet Guizot durait : on s’en félicitait à Saint-Pétersbourg. Bien que Guizot ne témoignât pas de sympathie particulière pour la Russie, il n’offrait pas moins « plus de garantie aux puissances étrangères, par sa politique pacifique et ses principes conservateurs. » C’est pourquoi le vice-chancelier chargea Kisselew, par sa dépêche du 9/21 mars 1843, d’exprimer au ministre des Affaires étrangères les félicitations du Cabinet impérial à l’occasion de son brillant succès à la Chambre des députés, obtenu grâce à son remarquable talent oratoire. Il remporta en effet une victoire éclatante sur l’opposition, et lorsqu’il se rendit le lendemain au palais, il fut honoré des remerciemens et des félicitations du Roi et de tous les membres de la famille royale. La Reine lui donna un baiser, et le Roi lui dit : « Vous êtes, mon cher ministre, la gloire et la force de mon gouvernement. » En rapportant ces succès de Guizot, Kisselew ajoute que le gouvernement français aspire à un rapprochement avec l’Angleterre, mais que la nation française éprouve des sentimens de profond attachement pour la Russie et que le Roi doit en tenir compte. Malheureusement, Kisselew n’appuie cette assertion importante sur aucune preuve positive. Il l’a trouvée, évidemment, d’instinct, dans les sentimens de la nation française. Lorsque, en exécution des ordres du vice-chancelier, il se rendit chez Guizot, et lui exprima les félicitations du gouvernement impérial à l’occasion de ses succès parlementaires, le ministre français en fut visiblement satisfait et l’assura « qu’il existait en France peut-être plus de penchant national pour la Russie que pour aucune autre nation. » Bien plus, Guizot s’appliqua à démontrer « qu’il partageait même l’idée que l’union des deux pays, que le temps et la force des choses pourraient un jour amener, était celle qui se laissait le mieux comprendre ici comme chez vous. » Mais il exprimait en même temps ses vifs regrets de voir que le Cabinet impérial persistait à user de procédés blessans à l’égard du roi Louis-Philippe, alors que c’était précisément par les efforts du