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ces gestes obscurs du rêve produisent la poésie ; et, à moins que toute expression ne soit chez nous artificielle, nulle voix ne peut être plus intérieure que la sienne.

Si M. van Dyke n’avait pas fait de vers, c’est donc par l’abondante poésie de ses nouvelles et de ses « essais » que j’aurais étudié sa manière de regarder au-dessus de la terre, son idéalisme. Mais du moment qu’il a écrit des vers, c’est à eux que je vais de préférence. Rythmée, la poésie multiplie ses puissances en paraissant les asservir ; et ce qu’il y a d’essentiel dans une œuvre poétique se rassemble et se condense en ces lignes mesurées.

Pour classer d’une manière générale la poésie de M. van Dyke parmi les manifestations diverses de cet art aux nombreux domaines, un vers de lui nous guidera. C’est une poésie si imprégnée de souffle humain que, dans l’atmosphère qu’elle crée, on voit soudain


Comme une étoile nouvellement apparue, se lever une âme.


Voilà quelle est la première apparence de son œuvre en vers. Ce n’est pas nécessairement celle de toute poésie : il suffit parfois pour nous ravir de faire chanter des syllabes musicales, et parfois aussi une voix subtile ou dolente, toute chargée de véhémence ou de sensibilité, échoit à cette tâche de nous révéler un être. Mais si, dans un chant harmonieux, à travers l’enchantement des rythmes et la grâce des formes, sans effort et sans bruit, soudain « une âme se lève, » alors nous ressentons l’émotion d’une rencontre mystérieuse entre cet être et nous, et pour toujours nous fondons avec lui une invisible et sereine amitié.

Les vers de M. van Dyke sont de ceux où l’on sent un être humain vivre. Je n’entends aucunement par là qu’il s’y étudie. Il est ennemi de la complaisance sentimentale, et il n’est pas de ceux qui font avant tout de la poésie une analyse pieuse de leurs désenchantemens, cultivés et sélectionnés comme des chrysanthèmes monstres. Il est sobre de confidences, et il estime que la « figure de la poésie doit être éloquente par la stabilité de son attitude, et non par l’abandon de son geste. » Mais il n’a jamais séparé l’art des sources intérieures qui l’alimentent ; il a écrit comme il a agi, avec son être tout entier, et la chanson diverse de ses poèmes n’est que l’écho de la chanson vivante de