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est fait don à Vaugelas des biens de « feu Théodore Agrippa d’Aubigné, confisqués et acquis au Roi ; » les traitans et les princes pensionnaient d’ailleurs tous ensemble plus d’écrivains que l’État ; enfin les bénéfices ecclésiastiques étaient la principale monnaie avec laquelle se payait la littérature. « Ils dînent de l’autel et soupent du théâtre, » disait-on des abbés à vers du XVIIIe siècle ; au XVIIe, beaucoup d’auteurs vivaient exclusivement de l’autel.

Mais, quels que soient l’origine et le montant total de ces allocations, il n’en demeure pas moins que le partage s’effectuait, entre les genres, tout autrement que de nos jours : les érudits Saumaise et Dupuy étaient pensionnés, l’un de 30 000 francs, l’autre de 9 000, outre un prieuré de 22 000 francs. Parmi les académiciens de la fondation, Colomby, soi-disant « orateur du Roi pour les affaires d’Etat, » jouissait de 15 600 francs, Gombauld en avait. 12 000, Godeau, outre son évêché, touchait 10 000, Porchères-Laugier recevait 18 000 de la princesse de Conti ; Guez de Balzac, « l’élogiste général, » ne tirait de la cassette royale que 10 000 francs ; mais « il était à M. d’Epernon » qui le traitait assez bien, puisqu’il entretenait quatre chevaux de carrosse, bâtissait sur sa terre un château, et que sa maison d’Angoulême était célèbre par les chefs-d’œuvre qu’il y avait rassemblés. Voiture, avec ses places de maître d’hôtel, d’introducteur des ambassadeurs chez Monsieur et de commis — honoraire — du surintendant se faisait plus de 75 000 francs de rentes.

Quant à Chapelain, le roi des lettres, « grand privilégiographe de France, » comme on l’avait surnommé, il mourut à soixante-dix-neuf ans en laissant 1 400 000 francs de fortune qu’il n’avait pu gagner avec ses vers, quoique les deux éditions de La Pucelle lui eussent été payées 10 000 francs, somme prodigieuse pour l’époque ; mais qu’il avait économisée sur le montant des subventions allouées par ses puissans amis. Le texte de l’état dressé par les bureaux qualifiait Chapelain : « le plus grand poète français qui ait jamais été et du plus solide jugement. »

A côté de ces poètes, de ces moralistes ou de ces savans bien prébendes, le romancier La Calprenède, le Ponson du Terrail de l’époque, créateur du type d’Artaban, qui « s’achetait des manteaux avec les pistoles du libraire Courbé, » paraît pauvre, bien que sa prose ait eu grande vogue de son vivant et qu’il l’ait fort multipliée pour vivre. Son Faramond devait avoir trois