Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il est sauvé, — et les croyances, qui sont des idées intellectuelles indifférentes au salut, compagnes ordinaires de la foi, mais sans avoir avec elle un lien nécessaire de dépendance. « La foi, a dit Pascal, est différente de la preuve : l’une est humaine, l’autre est un don de Dieu. Justus ex fide vivit. »

Pascal n’était point un mystique du moyen âge, et sur ceux même de son siècle il avait l’avance considérable d’un chrétien comparativement moderne. Croyant, ayant la foi de l’intelligence avec celle du cœur, il croyait aussi à la vérité scientifique et ne prétendait pas évincer la raison des droits qui sont les siens, en rendant à la religion toute la gloire qui lui est due.

Sully Prudhomme écrivait ici même, il y a dix-huit ans : « L’admirable sincérité de Pascal eût été mise cruellement à l’épreuve, s’il eût pu connaître le dernier état des sciences actuelles. Au prix de quelle abdication ou de quelle torture son génie eût-il maintenu la prédominance de la foi dans son âme ? » C’est possible. Le conflit douloureux et insoluble que suppose le poète du Tourment divin n’est pas invraisemblable ; il répond à l’idée conforme aux faits dans une certaine mesure, plus conforme encore au vieux préjugé, que, malgré les analyses et les distinctions de la critique, la tradition persiste à se faire du « scepticisme » inquiet de l’auteur des Pensées. Mais n’est-ce pas une idée vraisemblable aussi et plus neuve et plus belle, de supposer que Pascal, fidèle à sa méthode, patiemment soumis aux réalités que la science constate et s’élevant par l’amour vers la vérité que le cœur devine, travaillerait aujourd’hui, avec une instruction renouvelée et un heureux succès, à sauver des ruines faites par la critique moderne le sentiment religieux et son immortelle espérance ?


PAUL STAFFER.