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apologie du christianisme, — dont le plan est plus ou moins visible, dont certaines parties ont été exécutées en perfection, — et un « soliloque » du penseur, les confidences d’une âme se parlant à elle-même, « toutes les feuilles mortes que son génie charriait. »

M. Strowski insiste avec raison et plus qu’on ne fait d’habitude sur les dettes d’auteur de Pascal. Il faut d’autant moins hésiter à les reconnaître qu’en laissant intacte sa gloire d’écrivain original, elles font honneur à sa conscience de critique bien informé. Loin de les nier lui-même, il a fait mainte allusion soit à l’outrecuidance des auteurs qui prétendent tout tirer de leur propre fonds, soit à la trop grande modestie de ceux qui laisseraient dire peut-être qu’ils n’ont rien mis du leur, quand l’ordre et la façon, — souvent plus méritoires que l’invention, même — sont à eux. Ce qu’il doit à Montaigne, on le sait aujourd’hui, et c’est bien plus que n’avait dit Havet ; vraiment, ce serait presque toutes les Pensées, s’il n’y avait pas la différence du génie entre Charron, par exemple, qui pille Montaigne et Pascal qui le repense. Il n’a ignoré aucune des apologies notables de ses prédécesseurs, ni la Théologie naturelle de Raimond de Sebonde, ni les Trois Vérités de Charron, ni le Père Mersenne, ni même le Père Garasse. Le Hollandais Hugo Grotius lui fut, nous dit-on, très utile, et le Pugio Fidei, vieux livre du XIIIe siècle, aurait été étudié par lui « de plus près qu’aucun autre, » extrait, analysé, discuté.

Tous les matériaux étant rassemblés, fécondés par la méditation, le principal restait à faire : il fallait trouver la méthode. Avec une mémoire plus ou moins fidèle, avec plus ou moins d’intelligence, cette méthode a été exposée par les auditeurs privilégiés qui entendirent parler Pascal : par Etienne Perier, son neveu, dans la préface de l’édition de Port-Royal, et surtout par Filleau de la Chaise dans une relation beaucoup plus développée, que sa longueur empêcha de publier à titre de préface.

La méthode de Pascal n’est pas la simple logique, la démonstration à la manière des géomètres, méthode fort en honneur chez les mathématiciens de Port-Royal. Descartes, partant de l’évidence, marche d’une vérité assurée à une autre vérité assurée, et que trouve-t-il au terme ? une idée pure, une conclusion rationnelle, le Dieu abstrait des métaphysiciens, nullement le Dieu de Jésus-Christ, sensible au cœur, non à la raison. Mais