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disons qu’elle aurait dû être conduite autrement, cela ne veut pas dire qu’elle ait été mal conduite. Elle l’a été par M. Paul Deschanel, avec beaucoup d’éloquence comme à l’ordinaire, et avec une parfaite connaissance du sujet ; mais on a laissé M. Deschanel tout seul ; il s’était engagé bravement, et personne ne l’a suivi, de sorte que la discussion a été réduite à un dialogue entre lui et M. le ministre du Travail. Le tournoi a été intéressant et brillant, car si M. Deschanel a beaucoup de talent, M. Viviani n’en manque pas : il a une grande virtuosité de parole, qui lui permet de donner le change, au moins pour un moment, sur le vide et sur le creux de sa pensée. On a dit que cette discussion avait été tout académique, ce qui est vrai, si on en juge par sa conclusion, puisqu’elle n’en a pas eu ; mais ce qui est beaucoup moins juste si on se reporte au discours de M. Deschanel, qui a posé très nettement les questions dont les esprits sont obsédés : seulement on ne lui a pas répondu. M. Deschanel avait raison de dénoncer le péril grandissant du syndicalisme révolutionnaire. Le gouvernement le voit fort bien et le dénonce même quelquefois ; mais il n’ose rien faire pour le combattre, aimant mieux attendre le salut d’un retour de bon sens chez les ouvriers.

Ce retour se fait beaucoup attendre ! M. Clemenceau, à la veille de la rentrée des Chambres, a prononcé en province un discours qui le présentait comme probable et prochain : le Congrès de Marseille lui a répondu le lendemain en proclamant l’antipatriotisme et l’antimilitarisme. Bientôt après, un nouveau Congrès s’est réuni à Toulouse. On y a vu face à face et en opposition, d’une part le socialisme révolutionnaire, qui attend tout d’une action violente, de l’autre le socialisme réformiste, politique et parlementaire. Quel est celui des deux qui l’a emporté ? Nous serions en peine de le dire. L’ordre du jour voté, œuvre redondante de M. Jaurès, et qui ressemble, à s’y méprendre, à un paragraphe coupé au hasard dans un de ses articles ou de ses discours, dit que tout est bon dans le socialisme, que tout y peut servir suivant l’occasion, la violence révolutionnaire aussi bien que l’action parlementaire, et qu’il faut dès lors se garder d’en rien expurger, mais, au contraire, y tout accepter et y tout approuver Grâce à cette confusion systématique, l’union s’est faite à Toulouse au détriment de l’unité, et quelques personnes de composition facile ont trouvé là une preuve de sagesse de la part des socialistes qui n’ont excommunié personne. On nous permettra d’être moins admiratif. Les radicaux ont eu aussi leur Congrès : ils l’ont tenu à Dijon et y ont montré une fois de plus leur faiblesse, nous allions dire leur