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d’ailleurs incontesté et qu’il était en train de lasser le public. Israël marque un effort vers un art d’une qualité plus relevée. Nous lui en savons infiniment de gré et nous souhaitons que désormais, revenu des outrances du début, il consacre son entente de la scène et son art vigoureux à des tâches dignes de lui.

Il nous faut toutefois faire sur l’œuvre nouvelle qu’il vient de nous donner plus d’une réserve. Nous croyons d’abord que le sujet — celui du moins qu’annonce le titre de la pièce — est de ceux qu’en aucun cas on ne devrait mettre au théâtre. Au lendemain du Retour de Jérusalem, nous n’avions pas dissimulé quelle était sur ce point notre opinion. Le pays venait d’être cruellement divisé ; à quoi bon renouveler le souvenir de ces divisions et en raviver la souffrance ? Il n’est pas vrai que tous les sujets s’adaptent indifféremment à toutes les formes littéraires. Il en est qui pourront convenir à l’histoire, à la critique, ou encore au discours public et à la polémique des journaux, mais qu’il sera de bon goût d’écarter résolument de la scène. Au théâtre il s’agit d’associer tous les spectateurs à une même émotion, d’unir le public tout entier dans un sentiment commun. Cela est impossible, quand on prend pour point de départ un antagonisme qui procède d’élémens irréductibles… Notre avis est resté le même, ou plutôt l’audition d’Israël nous y a confirmé. Pour notre part, rien ne nous choque plus que d’entendre reprocher sur la scène à un homme qu’il soit juif ou qu’il soit chrétien. Et il nous a bien semblé que cette impression était générale, que ce malaise était celui de tout le public : le dialogue tombe dans une atmosphère de gêne et de contrainte, où s’évanouit le plaisir que nous venons chercher au théâtre.

Quoi qu’il en soit, et puisque nous y sommes bien forcés, admettons le sujet ; il reste à savoir si l’auteur en a su tirer les développemens qu’il comportait et que nous attendons de lui. Car au moment où il arrête son choix sur un thème, et que ce soit à tort ou à raison, l’écrivain s’engage à le traiter. Une pièce qui s’intitule Israël doit porter à la scène la « question juive. » Quelle est donc cette question et en quoi consiste-t-elle ? À quels traits se reconnaît la race juive ? Quel est son rôle dans notre société ? Autant de points sur lesquels M. Bernstein oublie de nous renseigner. Il n’y a dans sa pièce ni un tableau de mœurs, ni une peinture de caractère, ni une analyse de sentimens. Nous venons d’entendre parler pour ou contre les Juifs pendant trois heures d’horloge ; nous les connaissons après cela aussi peu que devant. Nous en voulons à l’auteur qui n’a pas