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pour les petits établissemens, une légère, et, pour les moyens, une sensible diminution. En revanche, le nombre des ouvriers travaillant dans des établissemens qui occupent de 101 à 1 000 personnes est monté de 811 000 à 1 264 000 ; et celui des ouvriers occupés dans des établissemens employant plus de 1 000 personnes, de 313 000 à 441 000 ; soit, pour les grands et les très grands établissemens, une notable augmentation. Ainsi, du point de vue où nous nous plaçons pour étudier la crise de l’État moderne, — sa double crise, économique et politique, — le fait est dûment établi, et le constater simplement dispense de le commenter : il se forme sur le corps français, — qu’on me passe cette image encore, j’y vais mettre des « comme » et des « presque, » — comme des nœuds ou des paquets de muscles, comme des centres nerveux, comme des points de congestion : il s’en forme de plus en plus, ou ceux qui se sont déjà formés deviennent de plus en plus gros.

Enfin, troisième concentration, qui imprime au mouvement sa direction et en dégage le caractère : la concentration des ouvriers par les syndicats professionnels, les unions de ces syndicats, et l’Union de ces unions, pour ne citer que le nom (et n’en rien dire de plus) de ce suprême organe, au moins extra-légal, la Confédération générale du Travail. Cette concentration par le syndicat, comme l’autre, — quoiqu’un instant arrêtée entre 1895 et 1899, si bien que, sur les graphiques, la ligne se brise à ces années-là, — est cependant très perceptible. On compte plus de 3 500 syndicats ouvriers, avec plus de 600 000 membres en 1900[1], contre environ 1000 syndicats et environ 100 000 membres en 1890. Il est vrai que, dans le même temps qu’ils sextuplent leurs adhérens, les syndicats patronaux doublent les leurs, et que les syndicats agricoles, partis sans hésitation, montent en fusée de 250 000 membres environ en 1890 à 600 000 aussi en 1900[2]. Mais c’est certainement s’exprimer en termes modérés que de dire des syndicats patronaux qu’ils sont demeurés beaucoup plus professionnels que les syndicats ouvriers et qu’ils ne font pas dans l’Etat, à côté de lui, ou en face de lui, la même figure, le même geste politique. Quant aux syndicats agricoles, à part quelques tentatives toutes

  1. 5 322 syndicats et 896 000 adhérens au 1" janvier 1907 (Dernière communication de l’Office du travail).
  2. Un peu plus de 716 000 au 1er janvier 1907.