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poste afin qu’il ne soit pas induit en erreur par le silence ou par les expressions incomplètes de mon ministre. » Ces paroles frappèrent au dernier degré l’ambassadeur de Russie, malgré le sang-froid qui lui était propre. « Je ne sais, poursuit-il dans son rapport au vice-chancelier du 18/30 janvier 1834, si le Roi écrit cette lettre, mais Votre Excellence peut conjecturer le mode dont les affaires se font ici, par cette découverte, qui serait incroyable, si le Roi ne m’en avait pas assuré si positivement. »

Ces paroles du Roi montrent combien il était mécontent de la conduite de son ministre des Affaires étrangères, qui dut bientôt quitter son poste. Le nouveau Cabinet ne dura que quelques mois, et il s’en constitua un autre en novembre. Guizot et Thiers ont joué un rôle décisif dans sa formation.

A l’époque de ces changemens continuels de ministère, en France, Pozzo s’adressait presque exclusivement au Roi pour traiter des questions courantes de la politique. La question d’Orient absorbait toujours l’attention des deux gouvernemens. Selon l’avis du Cabinet impérial, « la question d’Orient était définitivement résolue, l’Empire Ottoman conservé et l’Egypte renfermée de nouveau dans les bornes de la modération et de la prudence. Toutefois, lorsqu’on apprit à Saint-Pétersbourg qu’une flotte française appareillait à Toulon pour se diriger avec une escadre anglaise vers les côtes de Turquie, on y conçut involontairement des inquiétudes au sujet de nouvelles complications possibles. Le vice-chancelier adressa, le 18/30 juillet 1834, une longue lettre au comte Pozzo dans laquelle, d’ordre suprême, un avertissement sérieux était donné au Cabinet des Tuileries de ne pas suivre aveuglément tous les conseils de Londres. L’ambassadeur devait expliquer au gouvernement français que, si une escadre franchissait les Dardanelles, une guerre avec la Russie serait inévitable. La question consistait à savoir, non pas qui arriverait le premier au détroit, mais qui y resterait le dernier. « Or, sachez bien, mon cher comte, » écrivait le vice-chancelier, « que, s’il était jamais dit qu’un pavillon étranger flottât sur les Dardanelles, il n’y a pas un seul Russe qui ne soit prêt à donner jusqu’à son dernier rouble et jusqu’à son dernier enfant, pour aller venger ce qu’il croirait une insulte à la Russie. Ce n’est pas une question politique, c’est une affaire nationale chez nous. » En général, le vice-chancelier constate dans la politique des deux puissances