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Or, que j’aie manqué à la règle par moi-même posée, que j’aie pris parti trop tôt ou à un moment quelconque, que j’aie commencé ; ou fini par une thèse, ou que j’en aie intercalé une à un endroit quelconque de l’enquête, que je me sois hâté de conclure, que jusqu’ici j’aie, où que ce soit, conclu à quoi que ce soit de philosophique ou de pratique, c’est ce que je conteste. Seulement, de ce qu’on ne s’est pas proposé, de ce qu’on s’est même interdit de soutenir une thèse, s’ensuit-il de là qu’on ne devait pas se tracer un plan, et fallait-il qu’un si long ouvrage s’en allât sans objet, sans méthode, sans idée directrice, conductrice, ou ne fût-ce que génératrice, ballotté et cahoté, comme un corps désarticulé, à tâtons, droit ou de travers, au hasard des faits souvent menus et peut-être contradictoires qui se rencontreraient ? Non, certes ; avant que d’ouvrir une enquête, il n’y avait qu’à promener les yeux autour de soi. Cette vérité d’évidence, mise du reste en lumière par tant de travaux antérieurs, depuis Auguste Comte, apparaissait alors : la société, telle qu’elle est issue de la Révolution (nous disons, nous : de la double révolution), est politiquement et économiquement désorganisée ou inorganisée ; et, si elle veut vivre, elle doit aviser aux moyens de se réorganiser ou de s’organiser. C’est tout ce que nous avons trouvé d’abord, trouvé avant de chercher ; c’est tout ce que nous avons dit, et, si l’on le veut, prédit. Mais ce n’est pas une conclusion, c’est une constatation préalable ; ce n’est pas un point d’arrivée, c’est un point de départ.

La réorganisation, l’organisation qui paraît s’imposer, nous n’avons ni prédit ni dit, nous ne disons pas encore ce qu’elle sera, ni quand elle se fera, ni par qui, ni surtout suivant quoi. Si nous l’avions fait, en ce cas, oui, nous aurions conclu prématurément, c’est-à-dire sans droit, car nous n’avions pas et nous n’avons pas le droit de conclure en pareille matière « sans nous appuyer sur un examen complet des faits contemporains. » Même, les faits « contemporains » ne suffiraient pas : il faut les rattacher à leurs antécédens, et non pas seulement depuis la Révolution, mais avant, ou bien il faut admettre que la Révolution ne date pas seulement de 1789 et convenir, comme nous le ferons, des signes auxquels on commence à percevoir le mouvement, et de la date à laquelle on place l’ouverture de la période révolutionnaire. Il y a plus : même après un examen complet des faits contemporains et de leurs antécédens, on ne