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Le Cabinet impérial trouva cette démarche « intempestive, » et déclara que l’Empereur était résolu à remplir scrupuleusement les engagemens contractés par lui avec la Porte. Pozzo était convaincu que ce n’était pas tant le Roi que son ministre des Affaires étrangères qui marchait à la remorque de la politique anglaise. Il en parla au Roi qui lui répondit avec bonhomie : « Que voulez-vous ? On dit que le Roi règne et ne gouverne pas. Je finirai par mieux arranger tout cela : le monde n’a pas été fait en un jour. »

Quoi qu’il en soit, il semblait hors de doute que le Roi était d’accord avec son ministre pour ne provoquer d’aucune manière une guerre avec la Russie à cause de l’alliance turco-russe. C’était pour eux un fait désagréable, mais rien de plus.

Ce qui attirait bien plus sérieusement leur attention, ce furent l’entrevue à Münchengrætz des souverains de Russie, d’Autriche et de Prusse, et les conférences qui s’ensuivirent à Berlin. Dès le mois d’août 1833, l’ambassadeur de Russie à Paris fut informé de la prochaine entrevue des souverains à Münchengrætz : elle avait pour but unique de consolider par des « épanchemens mutuels » les bases de la paix en Europe. Après l’entrevue, le comte Nesselrode adressa de Berlin, le 3/15 octobre une dépêche à Paris : il y exposait la vraie portée des conférences de Münchengrætz, ainsi que les dispositions qui y avaient été prises à l’égard de la France. — On a examiné en détail la situation générale de l’Europe, écrit le comte Nesselrode, et on a reconnu que la propagande révolutionnaire qui gagne journellement en extension, est une des « causes principales » de l’instabilité actuelle des trônes et des dangers qui menacent la tranquillité des nations. C’est en France qu’il faut chercher le foyer de cette propagande. Les trois monarques du Nord ont décidé de mettre un terme à ce danger : ils ont arrêté en conséquence quelques dispositions que le comte Pozzo di Borgo, de concert avec les représentans d’Autriche et de Prusse, est appelé à communiquer au gouvernement français, en lui recommandant de les prendre en sérieuse considération. Le vice-chancelier prévoit des objections de la part du Cabinet des Tuileries, qui fera valoir la nécessité de sauvegarder l’indépendance de la législation intérieure et la difficulté de rechercher les sociétés secrètes révolutionnaires. Ces objections sont sans valeur, vu que l’indépendance de la législation intérieure ne saurait