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était plus imprévue à l’origine, et l’on envisageait déjà les mesures extrêmes. La loi du 10 août 1904 essaya de rendre à peu près impossible « la colonisation » aux Polonais, en leur interdisant de s’établir sur les terres qu’ils pourraient acheter. « Quiconque veut construire une maison ou transformer un bâtiment existant en habitation, en dehors d’une localité à bâtimens continus, ne le peut qu’avec l’autorisation donnée par le Comité du cercle, ou, dans les cercles urbains, par les autorités de police. Cette autorisation doit être refusée sur tout le territoire où est en vigueur la loi du 26 avril 1886, relative à l’organisation des colonies allemandes dans les provinces de Prusse occidentale et de Posnanie, à moins d’un certificat du président du district constatant que l’établissement projeté n’est pas en opposition avec le but de ladite loi. » Sur plusieurs milliers de demandes d’autorisation, il n’en a pas été accordé dix.

L’ouvrier agricole qui n’a pas voulu devenir nomade errant, l’ouvrier industriel qui n’a pas voulu sombrer dans l’anonymat des foules prolétariennes, s’est obstiné, après comme avant, à fixer au pays des ancêtres le point d’où l’on part et où l’on revient. L’amour de la terre a passé outre l’interdiction du feu. On a formé des parcelles adjacentes à des domaines anciens, et le nouveau propriétaire loge, en attendant des jours meilleurs, avec le bétail des étables voisines. La Commission de colonisation déclare que l’effet de la loi de 1904 est, jusqu’ici, demeuré presque nul.

Que faire ? Renoncer à la colonisation est une hypothèse injurieuse. Amener une baisse du prix des terres par la pacification des esprits, n’entre pas dans les vues d’une bureaucratie dont le patriotisme altier ne saurait discuter des prétentions slaves.

Le 26 novembre 1907, le prince de Bülow fit, au Landtag, la déclaration suivante : « Le gouvernement de Sa Majesté pense que la politique, inaugurée par le prince de Bismarck dans les Marches de l’Est, en 1886, est la bonne, et il est fermement décidé à persévérer dans cette voie. » On essaiera de sortir de l’impasse par une nouvelle loi d’exception.

La loi d’expropriation ne sera pas seulement une importante querelle sur le droit de propriété. Les débats auxquels elle donnera lieu rassembleront, sur un point sensible où viennent aujourd’hui prendre conscience presque tous les malaises de l’organisme impérial, des raisons anciennes qui jadis se formulaient