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caisse des banques polonaises de morcellement. On a essayé de les grouper dans « l’Association Saint-Isidore. » Le comité de l’œuvre se compose de quatre membres, représentant la grande propriété, la bourgeoisie, le clergé et les ouvriers agricoles. On délivre aux émigrans un carnet dont le numéro d’ordre permet un contrôle et qu’ils présentent au correspondant du comité de Posen chargé de leur trouver du travail dans les différentes provinces. Ils partent par équipes ayant chacune un chef de file. Une feuille périodique, qui tire à 80 000 exemplaires, les relie avec le pays natal, les conseille, les tient au courant des parcelles à vendre.

La population ouvrière stable se répartit dans des cercles dirigés par le clergé des diocèses de Posen et Gnesen.

Les métiers aussi se sont organisés ; ces associations font leur « devoir national » en boycottant les denrées allemandes et en supprimant l’intermédiaire juif. Dans les provinces du Rhin et de Westphalie, deux cent mille ouvriers polonais sont venus, souvent seuls, laissant au pays femmes et enfans, pour amasser le prix d’une motte de terre. Ils vivent entassés dans les faubourgs de Gelsenkirchen, Bochum, Herne, qui ont l’aspect des villes polonaises, mènent une vie à part, refusent de se mêler à la population allemande[1]. Ils passent le temps que leur laisse libre l’usine ou la mine dans des sociétés de gymnastique, de chant, ou dans des associations ouvrières dont une compte 30 000 membres. En Silésie, une population de plus d’un million d’hommes, qui n’avait jamais fait partie de la Pologne historique, s’est sentie et proclamée polonaise au lendemain du Kulturkampf, reliant ainsi par ses ressentimens et ses espérances la Posnanie à la Galicie.

Tandis que prolétariat, paysans et grands seigneurs, rendent à la campagne dent pour dent aux Prussiens, la bourgeoisie envahit les carrières libérales à la ville. Les enfans du peuple nés pour franchir l’étape sont devenus médecins, pharmaciens, avocats, ingénieurs, architectes, entrepreneurs, et font aux confrères allemands une sérieuse concurrence. Une institution particulière a beaucoup aidé au développement de cette classe moyenne de l’intelligence ; c’est, la société Marcinkowski, fondée en 1841, par un médecin de ce nom. Elle a pour but de

  1. Cf. Die Polen im rheinîsch-westfälischen Steinkohlen-Bezirke (publication de la ligue pangermaniste), Munich, 1901.