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famille d’Allemagne se réjouissait discrètement de l’apoplexie qui avait délivré la princesse Liselotte d’un époux hostile et d’un esclavage insupportable. De l’Électrice Sophie à la raugrave Louise : « (10 juillet 1701.) Le bon naturel de Madame fait qu’elle est triste, car, lorsqu’on a un bon naturel, on a toujours de la sympathie[1]pour un homme qui est le père de vos enfans. Du reste, il ne semble pas que feu Monsieur ait eu beaucoup d’amitié pour Madame, car il n’a pas pensé à elle dans son testament[2]. » C’était vrai. Le 12 juin, le Roi était venu chez Madame ouvrir le testament de Monsieur. Ce prince faisait son fils légataire universel. Il distribuait quelques souvenirs à ses filles et à sa petite-fille, la Duchesse de Bourgogne ; Madame n’était pas nommée. Le testament était de 1699.

Le 31 juillet, nouvelle lettre de l’Electrice à Louise : «… En ce qui touche Madame, j’espère avec vous que Sa Dilection sera plus heureuse qu’auparavant, car le Roi et Mme de Maintenon, qui ne font qu’un pour moi, sont très bons pour elle, et on dit que Monsieur lui rendait beaucoup de mauvais offices, à l’instigation de ses petits-maîtres, car au fond c’était un excellent homme. Le bon naturel de Madame fait qu’elle ne pense qu’à ses bonnes qualités. » Ici encore, l’Electrice se montre bien renseignée. De quelque façon que se fût passée l’entrevue avec Mme de Maintenon, la réconciliation avait été sincère de sa part et de celle du Roi. Les témoignages de Madame sont formels : « (19 juin.) Le Roi m’a fait la grâce de revenir me voir et a été très bon ; Mme de Maintenon était venue avant lui et avait aussi été très amicale… (14 juillet.) Je reçois de grandes consolations du Roi… (21 juillet.) Mme de Maintenon continue à être très gracieuse, je suis très contente d’elle ; si elle continue, je resterai certainement son amie… Je me creuse la tête pour deviner la cause de ce changement… » A Louise, le 29 juillet : « Ma plus grande consolation est la faveur du Roi, qui persiste. Sa Majesté… m’a emmenée à la promenade avec Elle. »

Madame, bien femme en cela, avait trouvé la solitude de son cabinet insupportable du jour où les règles du deuil, et non plus sa seule fantaisie, l’avaient condamnée à vivre « en ermite. » Louis XIV vint galamment à son aide : « Il veut, nota Dangeau

  1. Les mots en italiques sont en français dans l’original.
  2. Publicationen aus den K. Preussischen Staatsarchiven : Briefe der Kurfurstin Sophie von Hannover an die Raugräfinnen, etc. (Leipzig, 1888),