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gâtées, la bouche un peu endommagée, plus grande et plus ridée ; vous jugez de ma jolie figure[1]. »

Elle s’essoufflait à présent en marchant. À cheval, elle était toujours la première écuyère de la cour de France. Le 15 avril 1696, elle écrivait à Mme de Harling : « J’ai beau être grosse, cela ne m’empêche pas de chasser ; j’en suis quitte pour monter de grands chevaux qui puissent me porter. Je suis maintenant, grâce à Dieu, en excellente santé ; jeudi dernier, j’ai chassé le loup pendant six heures… après quoi, je me suis sentie parfaitement bien. Il est certain que rien n’est meilleur pour la santé. » Le Dauphin l’emmenait volontiers à la chasse.

Le 7 décembre 1697, le Duc de Bourgogne épousa Marie-Adélaïde de Savoie, fille de Victor-Amédée II et d’Anne-Marie d’Orléans, seconde fille de Monsieur et de sa première femme[2]. Ce mariage avait été une déception pour Madame, qui aurait voulu le Duc de Bourgogne pour sa fille, mais il n’était pas désavantageux à la maison d’Orléans, puisque Monsieur se trouvait être le grand-père de la future reine de France. La petite Duchesse de Bourgogne, quoique tout enfant, — elle n’avait pas onze ans à son arrivée en France, — s’aperçut par malheur que Madame ne comptait pas, et la négligea pour de plus importans : « Elle est effroyablement politique, écrivait Madame[3], fait peu de cas de son grand-père, nous regarde à peine, mon fils et moi, mais dès qu’elle aperçoit Mme de Maintenon, elle lui sourit et va à elle les bras ouverts. » La charmante Duchesse de Bourgogne devint une épine de plus dans la chair de Liselotte.

La mort de son oncle de Hanovre, survenue le 24 janvier 1698, affligea Madame à cause de l’Électrice Sophie ; toutefois elle en fut promptement distraite par la grande affaire de l’établissement de sa fille. Elisabeth-Charlotte d’Orléans « coiffait sainte Catherine, » quand le Roi accepta pour elle Léopold, duc de Lorraine. Aux yeux de sa mère, ce fut un mariage de raison ; Madame disait que son gendre n’avait pas beaucoup d’esprit, pas beaucoup d’argent, mais qu’au moins ses enfans pourraient

  1. Lettre du 22 août 1698 à la raugrave Louise.
  2. Anne-Marie, appelée Mademoiselle, avait épousé le duc de Savoie en 1684. La Duchesse de Bourgogne était née le 6 décembre 1685.
  3. Lettre du 8 novembre 1696, à l’Électrice Sophie. La Duchesse de Bourgogne était arrivée en France le 16 octobre 1696.