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toile assez joliment brossée. Tout cela est d’une belle allure ; on est près d’admirer cette « Maison du Peuple. » Mais quand on songe que cette société de 4 000 membres ne fait pas 700 000 francs d’affaires, on ne peut se défendre d’un sentiment d’inquiétude.

La Société du XVIIIe arrondissement, qui n’est ni socialiste, ni exclusivement ouvrière, et qui est encore plus ancienne que la précédente, car elle date de 1866, a adopté une méthode originale pour tirer le meilleur parti de son terrain. Elle a construit, sur un espace assez étroit, une maison de six étages, dont le rez-de-chaussée et le premier seulement sont occupés par les magasins. Le reste est divisé en appartemens loués à des sociétaires ; de sorte que cette société a le double caractère de la Société de consommation et de la Société d’habitations à bon marché. Malheureusement, si les logemens, très confortables, sont économiques pour les locataires, ils ne le sont pas pour la coopérative ; et cette société, longtemps considérée comme un modèle, est, en somme, une des plus chèrement logées.

L’Union fraternelle d’Auteuil, petite société de 150 membres, a réussi à devenir propriétaire par une combinaison plus ingénieuse. Passage Dietz-Monnin, au milieu de petits jardins rustiques, la Société des Habitations ouvrières de Passy-Auteuil a construit des maisonnettes ouvrières isolées. Au bout de vingt ans, moyennant le versement d’annuités, les locataires en deviennent définitivement possesseurs. C’est ainsi que l’Union fraternelle, Société coopérative de consommation, a acquis la maison qu’elle occupe ; maison fort modeste, il est vrai, et difficile à découvrir. Mais enfin elle est chez elle, ne doit rien à personne, et fait d’assez bonnes affaires.


Il faut maintenant nous arrêter un peu plus longuement devant deux sociétés, les plus grandes de Paris, et d’esprit fort différent ; l’une, essentiellement « bourgeoise, » comme disent les socialistes, l’autre, fortement animée de tendances révolutionnaires : l’Association des employés civils et la Bellevilloise.

On ne saurait dire que l’Association des employés civils de l’État soit une véritable coopérative, puisque le nombre des actions est limité, et que tout le monde ne peut pas être actionnaire ; mais elle n’en est pas moins digne d’intérêt, et son organisation est fort curieuse. Fondée en 1887, elle a acheté, rue Christine, un vieil hôtel, qu’elle occupe depuis une quinzaine d’années ; et