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pour les sociétaires momentanément gênés, secours en cas de chômage, secours pour les femmes en couches, les veuves et les orphelins, salles de réunions corporatives. L’attraction sera irrésistible ; les masses viendront d’autant mieux au socialisme que le socialisme, aura paru satisfaire un plus grand nombre de leurs besoins : la coopération est donc un bon instrument de propagande. Enfin, les coopératives puiseront dans leurs bonis, comme en Belgique, les ressources nécessaires pour alimenter la caisse électorale du parti. En somme, sans transformer le système économique actuel, la coopération socialiste l’entamera tous les jours. Elle ne réalisera pas l’émancipation complète des travailleurs ; mais en attendant le jour où la Révolution livrera sa suprême bataille, elle aura fourni au parti un trésor de guerre et des loupes disciplinées. Qui sait même si cette bataille sera nécessaire ? Quand la coopération socialiste aura reçu son plein épanouissement, le collectivisme s’en détachera comme un fruit mûr.

Il est évident qu’un pareil programme ne peut être accepté par des « bourgeois ; » et d’ailleurs, le prolétariat peut-il lier partie avec les « affameurs de la classe ouvrière, » plus généralement avec ceux qui, par leur situation sociale, leur genre de vie, et leurs habitudes d’esprit, ne peuvent ni partager, ni même comprendre, les revendications prolétariennes ?

Telle est la position prise en ces dernières années par les socialistes, et sans méconnaître leur sincérité, je ne crois pas que leur attitude se soit ainsi raidie sous l’effet de la seule logique révolutionnaire ; car l’accommodation des activités a paru longtemps possible, et est encore poursuivie par beaucoup de socialistes indépendans. Quoi qu’il en soit, la coopération française, parti économique, est divisée en deux fractions, dont l’une accepte, en principe, tous les concours, mais, en fait, n’a pas été assez heureuse pour les attirer et les retenir ; et dont l’autre conçoit la Société coopérative comme une machine de guerre économique, politique et anticléricale. Voilà une cause sérieuse d’affaiblissement. Il en est d’autres encore, peut-être plus profondes et plus graves. Pour les exposer, jetons d’abord un coup d’œil d’ensemble sur la « carte coopérative. »


Au 1er janvier 1907, il existait, d’après la statistique du ministère du Travail, 2166 sociétés coopératives de