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caractéristiques, parce qu’elles expriment deux pensées essentielles du christianisme ésotérique : celle connue sous le nom de charme du Vendredi saint et la scène finale de l’illumination du temple par la colombe mystique.

Quand Parsifal, devenu conscient de lui-même et transformé par de longues épreuves, a trouvé Kundry repentante près de la source sacrée, après qu’il l’a baptisée d’eau pure et que Gurnemanz l’a sacré lui-même roi du Graal, avec l’huile parfumée de cette nouvelle Madeleine, prosternée aux pieds de son sauveur, une mélodie d’une extrême suavité s’épanche de l’orchestre. Les fleurs de la prairie embaument sous la rosée, et, toutes rayonnantes d’une grâce nouvelle, ont l’air de regarder le groupe merveilleux. Le vieux gardien du Graal s’écrie : « Ce sont les larmes du repentir qui couvrent la pelouse, et sous cette rosée l’herbe et la fleur relèvent la tête. Toute créature aspire au Rédempteur et tressaille de joie devant l’homme purifié. » Il y a dans cette scène et dans cette mélodie un sentiment ineffable de la résurrection de l’âme par l’amour divin et de l’influence régénératrice que l’homme en possession de toutes ses puissances exerce non seulement sur ses semblables, mais encore sur tous les êtres. Il est remarquable que cette scène fut la première écrite de tout le drame, paroles et mélodie, comme une inspiration spontanée et non préméditée par le poète-musicien, pendant une radieuse matinée de Vendredi saint à Zurich. Car cette idée d’une résurrection de l’âme, dès cette vie, et d’une transformation de toute la nature par l’Amour universel, est la grande nouveauté apportée par le christianisme dans le monde et ajoutée aux révélations précédentes.

La colombe blanche qui descend de la coupole du temple et vient planer, à la fin du mystère, sur la coupe du nouveau roi du Graal, où fulgure le sang du Christ, est le symbole connu du Saint-Esprit, de l’antique Sophia, ou de l’inspiration d’en haut. En éclairant le sanctuaire de sa lumière merveilleuse, il reprend ici le vrai sens que lui ont donné les instigateurs primitifs de la légende du Saint-Graal. Il veut dire que cette inspiration et cette sagesse ne peuvent agir d’une manière féconde sur l’humanité que par un groupe organique d’initiés consciens et constituant le temple spirituel. Au moment où la lumière blanche qui émane de la colombe atteint son plus haut degré d’intensité, illuminant le sanctuaire et l’assemblée, un chœur invisible