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panthéistes, on ferait bien mieux de l’identifier avec le diable. » Contre ces dogmes affligeans la nature intime de Wagner proteste. Il s’ingénie à les réfuter, il se chagrine l’esprit pour trouver des argumens. Finalement, il s’arrête à celui-ci : « La négation de la volonté de vivre suppose le plus haut degré d’énergie, » et « celui qui connaît son mal est maître de son salut. » Faible consolation, car, pour guérir d’un mal, il ne suffit pas de le connaître, il faut encore trouver le remède. Or Wagner avoue maintenant que l’art à lui seul ne peut suffire à la régénération de l’humanité. Elle ne pourrait s’opérer, dit-il, que sur la base d’une vraie religion. Et cette religion, non seulement il ne la voit pas dans notre religion corrompue, mais il ose à peine l’espérer pour l’avenir. C’est que, pour croire à la régénération de l’humanité, il faudrait réédifier ce monde divin qu’il avait fait crouler d’une poigne si formidable dans le Crépuscule des Dieux. Mais, ce dont le penseur est incapable, le poète-musicien le tentera dans Parsifal, et ce sera la dernière, mais éclatante victoire du voyant intuitif sur le raisonneur impuissant.

Qu’est-ce donc que Parsifal ? Un retour à la légende du Graal et, par elle, à l’idée de l’initiation. Seulement, au lieu de nous montrer le temple de loin, en perspective, il va pénétrer au cœur du sanctuaire. Car Parsifal nous présente le drame même de l’initiation en trois actes : Ier acte : la Préparation ; IIe acte ; l’Épreuve ; IIIe acte : l’Illumination et la Maîtrise.

L’enfant a été élevé dans un désert, au fond d’une forêt. Sa mère Herzeleide (traduction allemande du nom significatif de Douloureuse qu’elle porte dans les romans français) l’idolâtre et le garde jalousement. Son fils grandit dans la solitude, au milieu des oiseaux et des bêtes du bois ; il ne sait rien du monde et des hommes. Elle espère qu’ainsi il n’ira pas, comme son père Gamuret, se faire tuer dans les combats d’aventure. Mais nul n’échappe à sa destinée, et tout ce qu’on fait pour la fuir vous y rejette plus violemment. Rien ne peut empêcher l’adolescent d’obéir à son besoin d’action. Ayant rencontré un jour des chevaliers aux armures étincelantes, il veut les suivre et devenir comme l’un d’eux. Pris du désir de la gloire, il quitte sa mère éplorée sans autre arme que son arc et ses flèches. Parsifal est « le simple et le pur, » mais cette appellation, que l’oracle du temple donne à son roi futur, ne dit pas toute la nature de Parsifal. Avec l’innocence et le courage, il a le don de la pitié ou