Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/856

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelles, on m’a répondu que non. Je suis aussi bien impatient d’en avoir : ce sont mes deux seules consolations. Tout ce que tu me mandes, surtout depuis quelques jours, est bien consolant. Tâche, dans une de tes premières dépêches, de me donner quelques détails sur la défense qu’on prépare pour moi. J’ai su aujourd’hui que les pièces qui me concernent ne sont pas encore dépouillées ni remises aux nombreux copistes qui travaillent aux actes d’accusation. Il paraît que je suis destiné pour la clôture.

« Adieu, ma bien chère amie ; tu sais combien je te suis attaché. Adieu ! un million de baisers. Bien des choses à ta maman : elle est presque aussi abhorrée que moi des gens tenant au gouvernement. »

Quelque intérêt que présentent les réflexions qu’on vient de lire, il n’égale pas cependant celui d’une autre lettre que sa longueur nous oblige à résumer, bien qu’elle constitue un document historique d’une importance considérable. Nous y trouvons, en effet, écrit de la main de Moreau, le récit de ses campagnes dans le Nord, quand il servait sous les ordres de Pichegru, en Allemagne et en Italie, antérieurement au 18 Brumaire. Il le rédigea à la demande des amis qui s’occupaient de sa défense ; Mme Moreau la lui avait transmise dans l’une de leurs rares entrevues, et c’est à elle qu’il répondait.

Il raconte d’abord comment, chargé par Pichegru, en 1794, de s’emparer des diverses places des Pays-Bas, défendues par les Anglais, il prit tour à tour Ypres, Ostende, Nieuport, l’Ecluse, Vanloo, Nimègue, etc., etc.

A propos du siège de Nieuport, il rappelle qu’un ordre du Comité de Salut public, confirmé par un arrêté du conventionnel Guyton-Morveau, alors en mission à Bruxelles, décrétait la mise à mort des garnisons assiégées. L’arrêté lui ayant été envoyé par le général en chef, Moreau refusa de l’exécuter. « Je lui répondis, écrit-il, qu’avec environ 6 000 hommes, on ne pourrait jamais emporter une place défendue par 8 000 hommes au désespoir et qu’il faudrait au moins le triple ; qu’au surplus, je ne me chargeais pas de pareille commission et que je le priais de m’en dispenser. » Pichegru prévint Moreau qu’il avait jeté sa lettre au feu, « de peur qu’elle ne le perdit, » et l’ordre fut maintenu.

Dans cette situation, Moreau alla trouver les trois représentai du peuple, collègues de Guyton-Morveau, qui se trouvaient à Dunkerque. Sans leur parler de l’arrêté de celui-ci, qui