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résumer ce qu’il y avait de vrai dans les faits qui aidèrent la police à consommer sa perte.

A l’armée du Nord, quand Pichegru la commandait, Moreau avait fait la connaissance d’un certain abbé David, oncle du général Souham, qui servait dans la même armée. Ancien curé de Pompadour, et ancien vicaire général de Limoges, cet ecclésiastique, pour fuir les périls créés par le régime terroriste, s’était réfugié auprès de son neveu. « Nous vivions tous ensemble chez le général en chef, déclare Moreau dans le manuscrit auquel nous avons emprunté les extraits qui précèdent. Quand nous nous rencontrions depuis, c’était avec plaisir, car c’est un très honnête homme qui a de l’esprit et auquel on ne peut reprocher qu’un peu d’indiscrétion. »

Après la paix d’Amiens, l’abbé David reconnaissant envers Tichegru de l’accueil que, durant les mauvais jours, il avait trouvé à son quartier général, et ayant su qu’évadé de Cayenne avec d’autres fructidorisés, il attendait en Angleterre de pouvoir rentrer en France, entreprit de hâter son retour. Mais, dès ses premières démarches, il lui fut dit qu’étant donné les dispositions du Premier Consul, ce serait déjà chose faite si le général Moreau ne s’était obstiné à s’y opposer en alléguant la conduite de Pichegru en 1797, dénoncée par lui-même au Directoire. Rien n’était moins vrai, et Moreau s’empressa de protester. Il répondit à l’abbé David que, loin de s’opposer à la rentrée de Pichegru, il eût été heureux de pouvoir la solliciter lui-même s’il avait eu assez de crédit pour l’obtenir. Ne l’espérant pas, il avait du moins mis en mouvement d’autres influences et le désir du proscrit avait été transmis à Bonaparte par un officier général. L’abbé David lit parvenir cette information à Pichegru, en l’engageant à s’adresser directement au Premier Consul. Mais Pichegru ne voulait rien demander qu’autant qu’il serait assuré d’une réponse favorable. En le déclarant à l’abbé David, il le chargeait de remercier Moreau.

Au moment où s’échangeaient ces lettres, Moreau figurait déjà parmi les mécontens qui reprochaient à Bonaparte de