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qu’une révolte avait éclaté récemment à Paris, la question adressée par l’Empereur à la foule séditieuse n’avait rien que de très naturel. Il n’y avait en cela pas la moindre allusion politique. L’ambassadeur de France dut se contenter de ces explications.

Un nouvel incident envenima encore la situation. La prise de Varsovie par les armées russes produisit en France une impression foudroyante. Des manifestations anti-russes se produisaient dans les rues de Paris, et tout le monde redoutait une nouvelle agression de l’hôtel de l’ambassade. Un piquet de soldats fut placé dans la cour, et toutes les mesures de sûreté furent prises par le gouvernement français. Tout se passa fort heureusement.

Le gouvernement impérial chargea son ambassadeur à Paris de faire au gouvernement français les déclarations les plus rassurantes au sujet de l’avenir réservé à la Pologne, et de la ferme intention de l’Empereur de conserver inviolable « la lettre du traité de Vienne. » Mais l’Empereur se réservait de décider s’il était possible de conserver la constitution généreusement accordée par son auguste frère et déchirée par les Polonais. Un Te Deum solennel et une revue de troupes en présence de l’Empereur furent annoncés pour le 6/18 octobre. Tous les membres du corps diplomatique, en possession d’un uniforme militaire, furent invités à y assister. Le baron de Bourgoing, ministre de France, refusa de s’y rendre. Il déclara au comte Nesselrode qu’en présence de l’opinion publique en France, toute en faveur des Polonais, il ne saurait assister ni au Te Deum ni à la revue. Le comte Nesselrode porta ce fait à la connaissance de l’Empereur qui donna l’ordre de n’y ajouter aucune importance. Toutefois, Bourgoing prit part le même jour à un grand dîner à l’ambassade d’Autriche et se montra le lendemain à un spectacle et à une soirée dans une maison privée. L’Empereur et son vice-chancelier jugèrent cette conduite incorrecte. « Cette absence de tact, » écrivait Nesselrode à Pozzo di Borgo, « a été généralement blâmée ici… Il en est résulté une clameur générale qui est parvenue à la connaissance de l’Empereur. » Sa Majesté ne désire pas se plaindre directement de « l’impudence » (sic) du ministre de France. Toutefois il désirerait, dans l’intérêt d’une bonne intelligence entre les deux gouvernemens, « que le ministère français voulût bien prescrire une fois pour toutes à ses employés diplomatiques, accrédités en Russie, de respecter