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approuvé le projet de lettre, c’était à cause de la retenue de son langage et de la stérilité de son contenu.

Au commencement de cette seconde lettre, l’Empereur affirme qu’il comprend les motifs qui ont porté le Roi à présenter les événemens de Juillet « sous un jour moins défavorable. » Le général Athalin, porteur des deux lettres, dira au Roi ce que pense en réalité le Tsar de ces tristes événemens. « Ce qui s’est passé à Paris, » poursuit Nicolas, « est un malheur pour la France, comme pour l’Europe entière. En acceptant la tâche difficile qui lui a été offerte, Votre Majesté a senti le besoin d’inspirer de la confiance aux puissances étrangères. Elle a pour ainsi dire, pris l’engagement de fournir à l’Europe des garanties de paix et d’ordre public. Elles ne peuvent se trouver que dans l’affermissement d’un pouvoir conservateur en France, dans le respect de son gouvernement pour les traités existans et la tranquillité intérieure des États voisins. »

Le comte Nesselrode prévoyait fort bien l’impression pénible que ces deux lettres produiraient nécessairement sur le Roi, et il tâcha, dans la mesure du possible, d’en atténuer l’effet. Le feldjäger, porteur des dépêches pour Paris, emportait en même temps une lettre particulière du vice-chancelier au comte Pozzo, qui contenait des détails secrets sur ces lettres impériales. « Pour vous donner une idée, » écrivait le comte Nesselrode, « combien il en a coûté à l’Empereur de reconnaître le Duc d’Orléans, je vous dirai que je n’ai jamais pu le décider à lui donner dans les lettres le titre de Monsieur mon Frère et qu’il a mieux aimé dérogera sa dignité, en mettant : Sire, en vedette. Vous verrez par là combien l’animosité causée par les événemens du mois de juillet et par la conduite démagogique du nouveau Roi est encore vive. J’espère que ces impressions se calmeront avec le temps. Mais tâchez d’empêcher de votre côté que ce manque de formes ne soit relevé par le ministère français et n’entraîne une tracasserie qui serait fort désagréable… D’ailleurs si le gouvernement français vous faisait quelques observations à ce sujet, vous pourriez lui faire remarquer que jusqu’ici le nouveau titre de souverain de la France ne nous a point été communiqué dans les formes voulues par les moyens diplomatiques et que nous ne le connaissons encore que par les publications du Moniteur. »

L’Empereur Nicolas Ier apprit bientôt de son ambassadeur à