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et qu’il a été contraint par la force des circonstances de monter sur le trône. Charles X est lui-même coupable de sa chute : avec plus d’intelligence et de modération, il n’eût pas cessé de régner. « Depuis le 29 août 1829, — poursuit Louis-Philippe, — la nouvelle composition du ministère m’avait fort alarmé. Je voyais à quel point cette composition était suspecte et odieuse à la nation… La résistance à ce ministère ne serait probablement pas sortie des voies parlementaires, si dans son délire, ce ministère lui-même n’en eût donné le fatal signal par la plus audacieuse violation de la Charte… Aucun excès n’a souillé cette lutte terrible, mais il était difficile qu’il n’en résultât pas quelque ébranlement dans notre état social, et cette même exaltation des esprits qui les avait détournés de tout désordre, les portait en même temps vers des essais de théories politiques qui auraient précipité la France et peut-être l’Europe dans de grandes calamités… C’est dans cette situation, Sire, que tous les vœux se sont tournés vers moi… J’ai donc accepté cette noble et pénible tâche, et j’ai écarté toutes les considérations personnelles qui se réunissaient pour me faire désirer d’en être dispensé, parce que j’ai senti que la moindre hésitation de ma part pouvait compromettre l’avenir de la France et le repos de tous nos voisins qu’il nous importe tant d’assurer. » En vue d’échapper au plus tôt aux dangers de ce provisoire, Louis-Philippe changea son titre primitif de « lieutenant du royaume, » contre celui de roi. « Il n’échappera pas à la perspicacité de Votre Majesté, poursuit-il, ni à sa haute sagesse que pour atteindre ce but salutaire, il est bien désirable que les événemens de Paris soient envisagés sous leur véritable aspect, et que l’Europe, rendant justice aux motifs qui m’ont dirigé, entoure mon gouvernement de la confiance qu’il a le droit d’inspirer… que Votre Majesté veuille bien ne pas perdre de vue que, tant que le roi Charles X a régné sur la France, j’ai été le plus soumis et le plus fidèle de ses sujets, et que ce n’est qu’au moment où j’ai vu l’action des lois paralysée, et l’exercice de l’autorité royale totalement anéantie, que j’ai cru de mon devoir de déférer au vœu national en acceptant la couronne à laquelle j’ai été appelé. »

Après avoir justifié ainsi de son mieux sa conduite pendant les journées mémorables de Juillet, Louis-Philippe s’adresse à l’empereur Nicolas Ier avec insistance pour le prier d’entretenir avec lui et son gouvernement des relations d’invariable amitié :