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roi des Français et d’entretenir avec lui des relations diplomatiques régulières. Il s’appliquait à lui démontrer qu’une fois que le roi d’Angleterre avait reconnu le nouveau roi le 27 août (n. st.), l’empereur d’Autriche le 8 septembre, le roi de Prusse le 9 septembre, l’empereur de Russie ne saurait se détacher de ses alliés et ne pas faire comme eux. Par son remarquable rapport du 16/28 septembre 1830, le comte Nesselrode réussit à arracher à son souverain son consentement à la reconnaissance de Louis-Philippe. Ce fut un rapport écrit. A l’exposition orale précédente, le vice-chancelier avait constaté de nouveau chez l’Empereur une « répugnance extrême » à reconnaître le nouveau régime en France. Toute son éloquence et tous ses argumens n’avaient pas réussi à ébranler sa volonté. Se défiant du succès de sa parole et redoutant la colère du Tsar, le comte Nesselrode prit la résolution de présenter un mémoire détaillé sur les affaires de France. Une attaque de goutte le retint à propos à la maison pour lui donner la possibilité d’envoyer son travail à son souverain. Il fut retourné au ministre avec de nombreuses annotations de l’Empereur et, après en avoir pris lecture, le comte Nesselrode pouvait se dire, comme Pyrrhus : « Encore une semblable victoire et je suis perdu ! » Ces annotations impériales montraient, en effet, ce qu’il en coûtait à l’autocrate de Russie de faire les concessions réclamées par la force des choses.

La révolution de Juillet, écrivait Nesselrode, a porté un coup sensible au principe de légitimité, tandis que la doctrine du pouvoir populaire a remporté un triomphe. Néanmoins, trois puissances alliées ont sacrifié le principe de légitimité pour sauver le principe monarchique qui a « surnagé comme par miracle. » Rien plus, en présence des circonstances actuelles, il faut désirer le maintien de ce gouvernement usurpateur, car c’est le seul soutien de Tordre. « Les puissances ont tout à gagner, à voir ce gouvernement se consolider. Que gagneraient-elles à sa chute ? La république, l’anarchie, et des malheurs, dont il ne serait point donné à la sagesse humaine de prévoir, ni Tissue, ni le terme. »

En regard de cette phrase, l’Empereur écrivit en français, — suivant son habitude, — ces mots : « Je ne sais ce qui est préférable d’une république ou d’une soi-disant monarchie pareille. »

Toutefois, poursuit le vice-chancelier, pour l’existence d’un