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entre leurs gouvernemens. Nous profiterons, pour le démontrer, de toutes les sources qui ont été mises à notre disposition et qui, pour la première fois, seront à la portée de tout le monde.

Au moment de la révolution de Juillet, la Russie était représentée à Paris par le célèbre diplomate, le comte Pozzo di Borgo. Sa correspondance diplomatique a été publiée seulement en partie. Elle présente vraiment un intérêt dramatique pour les événemens de juillet 1830.


I

L’opinion du comte Pozzo di Borgo sur les ordonnances de Juillet et sur leurs conséquences fatales est bien connue : il y a quelques mois, la Revue publiait à ce sujet d’intéressans extraits des Mémoires de Mme de Boigne. Nous n’y insisterons donc pas. La révolution éclata ; Louis-Philippe devint roi des Français ; le comte Pozzo di Borgo ne se méprit pas sur l’impression que son souverain devait en éprouver. Pas plus que lui, il n’avait aucune sympathie pour Louis-Philippe, mais il se rendait fort bien compte des difficultés de la situation, et, très courageusement, il insistait sur la nécessité de, reconnaître au gouvernement français le droit incontestable d’organiser son régime intérieur en dehors de toute ingérence étrangère. Connaissant le caractère et les opinions de l’empereur Nicolas, il était préoccupé de la crainte que le gouvernement impérial ne voulût protester contre la révolution qui venait de s’opérer et ne lui recommandât de s’abstenir de toute relation officielle avec le gouvernement de Louis-Philippe. Il craignait même qu’on ne lui prescrivît de quitter Paris et de rompre ainsi les relations diplomatiques entre la Russie et la France. Sa position était très délicate. Dans l’impossibilité de recevoir assez vite des instructions de Saint-Pétersbourg, il était réduit à agir d’après sa propre initiative et à ses risques et périls. En attendant, la moindre imprudence, le moindre manque de tact pouvaient provoquer la colère de l’Empereur et conduire aux plus graves complications politiques, même à une guerre. Pour Pozzo di Borgo, qui était Français dans l’âme et Russe par la force des circonstances, cette pensée était cruelle : il considérait comme un devoir sacré de patriote de tout faire pour éviter la catastrophe.