Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/724

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à d’autres hommes que les catholiques d’Angleterre, nous sommes surtout frappés du ton obligeant et bienveillant du ministre anglais, et nous souhaiterions sincèrement que nos propres ministres s’en inspirassent. M. Asquith, en somme, était responsable de l’ordre public. Après avoir cru, en jugeant suivant sa seule conscience, qu’il ne serait pas troublé, il a pu craindre qu’il ne le fût devant les menaces qui lui avaient été adressées ; aussi sommes-nous plus indulgens pour lui que ne l’ont été ses compatriotes. Un mot seulement nous a étonné dans son télégramme à Mgr Bourne, c’est celui de « légalité discutée » qu’il applique à l’exposition publique du Saint-Sacrement. Certes, cette exposition était illégale, mais toutes les autres manifestations des catholiques ne l’étaient-elles pas ? On sait qu’il est dans les habitudes britanniques de n’abroger aucune loi ; ils se contentent de ne plus les appliquer quand ils les jugent inopportunes. Toutes celles qui ont été faites autrefois contre les catholiques subsistent encore, et elles sont terribles ; seulement, elles sont tombées en désuétude, et il ne vient à l’idée de personne d’en demander l’application. Quoi qu’il en soit, la procession a eu lieu en toute liberté. Le Saint-Sacrement est resté à la cathédrale de Westminster : toutefois, s’il n’en a pas franchi la porte, il a été porté au grand jour sur un balcon qui la domine, du haut duquel la bénédiction a été donnée à la foule recueillie. Pas une protestation ne s’est élevée parmi les Anglais d’aujourd’hui : nous ne savons ce qu’en ont pensé ceux qui dorment dans la vieille abbaye de Westminster.

De la part des catholiques, de celle des évêques anglais, de celle du Pape, c’était une grande épreuve : ils l’ont tentée, et tout a réussi comme ils l’avaient espéré. En résultera-t-il une accélération du mouvement catholique chez nos voisins ? Nous n’en savons rien. Cette affirmation énergique et retentissante de la religion romaine au milieu d’un paye protestant peut produire des résultats divers, qu’il est impossible de prévoir dès aujourd’hui. Ce qui est sûr, c’est qu’on pourra dire plus haut que jamais, à l’honneur de l’Angleterre, qu’elle est vraiment le pays de la liberté.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.