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soit d’ailleurs vivant ou mort, Français ou étranger. Sur les recettes de Boris Godounov, l’Opéra remit ainsi à la Société des auteurs le pourcentage habituel ; quand la série des représentations fut close, la Société eut entre les mains une somme importante : la seule part des héritiers de Moussorgski s’élevait à 15 000 francs. Et soudain des esprits avisés, dans la Société, aperçurent que ces 15 000 francs serviraient peut-être, mieux que n’avaient fait démarches et réclamations, à fixer l’attention des Russes sur l’utilité d’un contrat de protection réciproque. Ces 15 000 francs fournissaient un exemple très probant ; la somme était trop faible pour qu’on eût l’air d’exercer une pression ; elle était assez forte pour forcer les intéressés à réfléchir. La Société déclara qu’elle gardait la somme par devers elle, non point en la confisquant, mais en la réservant pour le jour où un accord des deux pays aurait assuré dans chacun les droits des auteurs. Et elle disait aux Russes : « Voyez si nos positions sont inégales : dans toute l’année écoulée, nos auteurs dramatiques ont réussi à percevoir chez vous trente-deux francs ; pour quelques semaines de représentations, les héritiers de Moussorgski toucheraient quinze mille francs. Est-ce raisonnable ? » Il n’est pas absolument sûr que ce procédé ait été très goûté, et d’abord il a pu causer quelque mécontentement. Toutefois, il a apporté une preuve éclatante de l’intérêt que les uns et les autres trouveraient à s’entendre au lieu de se combattre. Cet intérêt a été parfaitement compris par les Russes, en même temps que leur dignité s’inquiétait de la situation un peu fausse qui résulte du désaccord d’aujourd’hui. La démonstration de la Société des auteurs a donc été des plus heureuses ; car elle a servi, comme on le souhaitait, à éveiller très vivement l’attention de nos amis. Il importait que leur intelligence, leur sens pratique, leur naturelle générosité fussent appliqués à vouloir la convention projetée. C’est aujourd’hui un résultat acquis.

La Douma est saisie d’un projet de loi sur la propriété littéraire qui servira sans doute au cours des négociations avec la France. Ces négociations ne peuvent tarder à s’ouvrir. La Russie, qui a pris un engagement identique avec l’Allemagne et l’Autriche, traitera-t-elle d’abord avec un de ces pays, ou bien avec nous ? Peu importe, et nous n’avons aucune raison de nous hâter. Ce qui était indispensable, c’était d’arriver à l’heure de ces négociations avec la volonté de conclure. Nous avons quelque