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effort sérieux pour les unifier. L’unité, dans l’intérêt des auteurs comme par respect du progrès, on la cherchera dans la loi la plus favorable[1], celle de la France, qui donne la vie même de l’auteur et cinquante ans après sa mort. La durée est pareille pour la Belgique, le Danemark, la Suède, la Norvège, le Luxembourg. Restent, parmi les pays de l’Union, cinq États desquels il faudrait attendre une modification : le Japon, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre. Pour ce qui est des trois premiers, l’effort ne serait pas considérable : ils admettent à cette heure, la vie de l’auteur et trente ans après sa mort ; ils devraient porter ces trente ans à cinquante. Avec eux l’unité semble dès à présent certaine. Ils ont chacun, outre les motifs d’intérêt pratique, des raisons morales également décisives. L’Allemagne a eu l’initiative de la révision qui va s’opérer : elle a toujours montré, pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, une extrême équité et le plus loyal désir d’entente : elle se trouve ainsi comme engagée à un changement qui, au surplus, sera largement compensé et dont l’exemple ne manquera pas de décider les autres pays. La Suisse est la patrie même des grands accords internationaux : elle a baptisé du nom de ses deux capitales, Genève et Berne, deux œuvres essentielles de la civilisation, et la Convention de Berne, qui est sous son patronage direct, a droit de compter qu’elle aidera plus qu’aucun autre pays à sa perfection. Le Japon, enfin, s’est empressé de marquer, par son adhésion à la Convention, le désir de prendre rang dans l’élite des nations civilisées : on peut donc croire qu’il sera parmi les plus empressés à accepter tous les progrès.

A l’Italie, à l’Angleterre surtout, leurs lois de protection font une condition plus difficile. Dès à présent, toutefois, l’Italie se trouve attirée vers la loi plus libérale de la France. Jusqu’à aujourd’hui, elle a eu un système protecteur assez complexe : elle donnait à l’auteur une durée de quarante ans qui pouvait au maximum comprendre sa vie même ; elle établissait ensuite, pour quarante autres années, « le domaine public payant, » c’est-à-dire le droit pour tous d’éditer ou reproduire l’œuvre moyennant une redevance. Cette législation est toujours en vigueur, mais un projet de loi vient d’être soumis à une commission

  1. La loi espagnole est plus favorable encore, puisqu’elle accorde la vie de l’auteur et quatre-vingts ans après sa mort. Mais elle a le défaut d’être isolée ; tandis que la durée de cinquante ans est déjà adoptée dans six pays.