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I

Les rédacteurs de la Convention de Berne ont été guidés par un double souci : à quelles conditions l’homme de lettres, l’artiste, le savant pourront-ils réclamer le bénéfice de la protection ? Quelles œuvres seront protégées ? C’est autour de ces idées que se groupent toutes les règles de la Convention, et c’est à elles aussi que se rattachent les réformes proposées. En les étudiant telles qu’elles se formulent dans les textes de 1886 et de 1896, on apercevra du même coup l’insuffisance de leur expression primitive et comment il est possible aujourd’hui de les faire jouer librement, avec toute leur force.

L’auteur français protégé en Angleterre comme un Anglais, l’auteur allemand protégé en France comme un Français, en un mot l’étranger désormais pareil au national, voilà bien la première idée de la Convention de Berne : conception vigoureuse, et qui lie les contractans par leurs intérêts réciproques. Mais l’idée n’est passée dans le texte qu’au prix de réserves qui l’atténuent singulièrement.

La Convention est bien faite pour protéger les auteurs des pays unis, et d’abord en effet elle parle des auteurs « ressortissans aux pays de l’Union. » Toutefois, presque aussitôt, elle cesse de considérer l’auteur lui-même, sa personne : elle ne vise plus que son œuvre, et elle s’attache uniquement au « pays d’origine » de l’œuvre, pour en faire dépendre les conditions et l’étendue de la protection. Qu’est-ce que le pays d’origine d’une œuvre ? C’est celui où elle a été pour la première fois publiée, éditée. D’où la première règle de la Convention : il faut que le pays d’origine soit un des États de l’Union, il faut que l’œuvre ait été pour la première fois éditée dans un de ces Etals. Il y a d’autres règles. L’auteur a fait sa preuve : c’est un Anglais qui a justifié que son livre, sa partition, son œuvre d’art avait été édité en Angleterre. Cela suffira-t-il pour qu’en Allemagne par exemple il obtienne protection ? Non, il y faudra une condition essentielle : il devra prouver qu’il a satisfait à toutes les formalités exigées par la loi anglaise pour la reconnaissance de son droit. Est-ce tout, et, ceci prouvé, sera-t-il protégé en Allemagne comme un Allemand ? Non encore. En aucun cas, dit la