Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/655

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce bourg de Samiaveram où se donna le petit combat de nuit, petit par le nombre des combattans, mais grand par les résultats, puisque le succès de Clive amena la perte de Law et la ruine de Dupleix.

Pour bien comprendre cette affaire et ses entours, il faut se rappeler qu’autour de Trichinopoly se jouait la fortune de Chunda-Sahib, nabab du Carnate, sous le couvert duquel les troupes de notre Compagnie des Indes guerroyaient contre Mohammed Ali, prête-nom de la Compagnie britannique. Car, ce qu’il y a d’admirable dans cette histoire indienne, c’est assurément l’indifférence extérieure des deux gouvernemens occidentaux qui se disputaient la possession de l’Asie, sans encourager leurs concitoyens expatriés, mais bien décidés à profiter des résultats. L’Angleterre et la France pouvaient être en paix, les compagnies française et anglaise n’en cessaient pas pour cela de se porter des coups. Mais leurs troupes métropolitaines étaient tenues pour des corps mercenaires à la solde des princes indigènes qui s’assuraient ainsi leurs services.

Dupleix attribuait, avec raison, une importance capitale à la prise de Trichinopoly, puisque Mohammed-Ali, rival de son client Chunda-Sahib, était renfermé dans cette place. Je vous ai déjà retracé les événemens qui se succédèrent pendant l’année 1749, où, à la fin de juillet, le gain de la journée d’Ambour donna au protégé de Dupleix une supériorité sans conteste sur Mohammed-Ali, fils du nabab centenaire Anawaroudin, tué pendant la bataille. Mohammed-Ali, compétiteur malheureux de Chunda-Sahib pour la nababie du Deccan, se réfugia dans la forteresse de Trichinopoly, cependant que les Anglais, s’inclinant devant le fait accompli, reconnaissaient Chunda-Sahib comme nabab, après l’investiture officielle de Mozzufer-Singh, soubab du Deccan.

Mais le nouveau nabab perdit à conférer avec son patron de Pondichéry un temps précieux. Cependant qu’il festoyait dans la ville française où M. et Mme Dupleix s’évertuaient à le fasciner par des magnificences inusitées, s’offrant à l’admiration du vulgaire sous des costumes des Mille et une Nuits, son concurrent travaillait d’une façon moins brillante. Sans quitter son Roc de Trichinopoly, Mohammed-Ali s’abouchait avec les