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de premier mobile au plan de conspiration. La nation comptait encore pour si peu dans les combinaisons des hommes d’Etat ! Après Richelieu et Mazarin, après Colbert, de Lyonne et Louvois, qui donc avait, dans le gouvernement, le sentiment national ? Le Régent peut-être, quand son sens politique n’était pas oblitéré par les plaisirs ; peut-être aussi Dubois, quand il pouvait surnager au-dessus de la boue où s’enlizait son triste personnage. Ce n’étaient certes ni M. le Duc ni le duc du Maine. Leur disgrâce, très méritée d’ailleurs, justifia bien ce poétique pronostic adressé par le duc de Nevers au fils aîné de Mme de Montespan, au moment des Grandes Nuits de Sceaux, des fêtes retentissantes de la Duchesse :


Tout homme audacieux qui prend un si grand vol,
Quoique son bonheur se soutienne,
Qu’il songe à lui… qu’il se souvienne
Que la fête de Vaux se chôme à Pignerol !


C’est comme une simple citoyenne que Mme du Maine a été punie de sa rébellion, mise au secret, traitée en prisonnière. Elle a connu la souffrance humaine qui a cessé d’être à ses yeux « une chose vague et lointaine. » Telle est la morale de la mésaventure d’une princesse du sang, qui se crut supérieure à tous les autres mortels. Par malheur, les esprits frivoles, sans portée morale ni religieuse, profitent rarement des enseignemens de la mauvaise fortune : ils se contentent d’en avoir souffert.


GENERAL DE PIEPAPE,