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effet, en décembre, une lettre de cachet qui la délivrait, et la renvoyait à Sceaux, en la consignant dans son propre palais. La Billarderie lui annonça sa grâce ; c’était tout pour elle. Elle laissa éclater une joie d’enfant. Quand ses équipages vinrent la chercher à Chamlay, sous la conduite de M. de Sailly, son écuyer, elle ne se doutait pas qu’on lui dissimulait l’objet d’un gros déboire, de peur que, par dépit, elle ne s’obstinât à demeurer en exil. C’était qu’elle ne retrouverait, à Sceaux, ni mari, ni enfans, lorsqu’elle y rentrerait.

Gracié en même temps que sa femme, le duc du Maine sortit de prison très énervé en janvier 1720, et demanda à se rendre, non dans le domaine où il serait sûr de rejoindre la Duchesse, mais dans son domaine particulier, à Clagny, « le palais d’Armide, » comme l’avait appelé Mme de Sévigné, ce grand château qui lui venait de Mme de Montespan. Là, il espérait échapper au joug de sa terrible épouse. Là aussi, il fit sa paix avec le Régent, et fut rétabli dans la plupart de ses charges. Rentrée à Sceaux, de son côté, la Duchesse n’y trouva qu’un foyer désert, et y apprit en outre que le Régent avait eu le mauvais procédé de lire en plein Conseil l’écrit très humble qu’elle s’était laissé arracher, sous promesse de secret. Elle ne pouvait supporter la pensée que ses ennemis avaient dû entendre l’énoncé de ses excuses. Ce fut la petite vengeance du Régent contre ses parens de Sceaux.

Mais elle oublia tout pour reconquérir son époux. Elle le voulait comme on désire une proie. « Je m’étais flattée, écrivit-elle à Philippe d’Orléans, que la grâce que vous me feriez, serait pleine et entière… et que je serais à Sceaux comme j’y étais après le lit de justice. » Le Régent refusa d’abord de se mêler de ce dissentiment conjugal. Elle insista, obtint une autre audience. « Promettez-moi du moins de ne pas vous opposer à ma réunion avec M. du Maine ! » — « La chose, Madame, répondit Philippe en goguenardant, dépend de vous, plutôt que de moi. J’ai appris de Sganareilo qu’entre l’arbre et l’écorce il ne faut pas mettre le doigt. » Cependant, le 23 mars suivant, Mme du Maine obtint licence de reparaître à Paris et de recevoir son mari, ce qui la mit au comble de la joie. Elle demanda elle-même à aller saluer et remercier le Régent au Palais-Royal. L’entrevue fut assez froide ; mais, en quittant Philippe d’Orléans, si l’on en croit le récit de la princesse de Bavière, la Duchesse se leva de