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pour l’ordinaire de débrouiller tout cela. Mais votre extrême soin nous éloigne du but : car voilà seulement dix plantes que vous m’avez fait passer jusqu’ici. Il faut que vous en connaissiez au moins deux cents de vue et par leurs noms afin que nous puissions nous entendre, et peut-être en connaissez-vous bien autant tant dans les jardins que dans la campagne, mais faute de savoir quelles elles sont, je suis là-dessus comme si vous n’en connaissiez réellement que les dix que je vous ai nommées. Je ne puis donc tirer mes exemples que de celles-là jusqu’à ce que je sois plus instruit de vos progrès, et il n’est pas possible d’aller en avant sur un fond aussi mince.

Ce n’est pas que j’aie changé d’avis sur la nomenclature ; je ne la crois pas plus utile que quand je vous en ai parlé à la botanique qu’on veut étudier de soi-même ; mais, encore une fois, pour s’entendre avec quelqu’un qui est absent, il faut bien convenir des noms qu’on donne aux objets dont on parle. Ce n’est pas en vain que je vous donne ceux de Linnaeus, quoique latins. Ce sont les seuls admis dans toute l’Europe et par lesquels on est sûr de s’entendre avec les botanistes de toutes les nations. Avant lui, chaque botaniste avait ses noms qui, presque tous, étaient de longues phrases ; il fallait savoir tous ces noms pour s’entendre avec eux ou avec leurs disciples, ce qui faisait un tourment pour la mémoire à pure perte pour la science. Les noms français sont sujets au même inconvénient ; chaque province a les siens, chaque état, chaque métier a les siens, tous différens les uns des autres. Vous avez déjà vu que le Mouron des bonnes femmes et celui des herboristes sont deux plantes différentes. Il en est de même du Talitron des herboristes et du Thalictrum des botanistes, de la Coquelourde des jardiniers et de celle des herboristes, de l’Argentine des fleuristes et de l’Argentine des paysans, du Trifolium des mêmes fleuristes et de celui des cultivateurs. Enfin, tout n’est que confusion dans les noms donnés au hasard et qui ne sont point imposés avec méthode. Il faut donc nécessairement connaître ceux de Linnaeus pour lever dans l’occasion l’équivoque des noms vulgaires : mais ce n’est pas à dire qu’il, faille avoir ces noms à la bouche hors les cas où ils sont nécessaires. Au reste, la prononciation n’en est pas toujours aussi difficile que celle de ce terrible Chrysanthemum qui vous a si fort effarouchée. Encore ôtez les deux h qui ne servent que pour l’orthographe et n’entrent point dans la prononciation :