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maritime, soit vers la mer Egée, soit vers la mer Adriatique. Le Monténégro est plus avantagé, son cadre d’action s’élargit, notamment du côté de la mer, où il garde Antivari ; mais n’obtenant pas les ports de Spizza et de Dulcigno, il se résigne, pour le moment du moins, à une forte diminution des espérances slaves sur le rivage Adriatique.

La Turquie est sauvée encore une fois. Non seulement elle garde Constantinople, dont l’Europe est plus que jamais embarrassée, mais elle reprend tout le territoire que le traité de San-Stefano lui avait enlevé, de la mer Egée jusqu’aux Balkans, — sauf une rectification de frontière éventuelle, mais non déterminée encore, au profit de la Grèce, en Epire et en Thessalie… Elle échappe à l’étreinte russe, et probablement pour toujours. Pourtant, une indemnité de guerre de 300 millions de roubles, qui sera réglée par des arrangemens particuliers entre la Turquie et la Russie, laisse à celle-ci un moyen de pression sur la Porte, incapable de se libérer dans un court délai.

Le Turc conserve encore, — à l’exception de Chypre, — les îles de l’Archipel et de la Méditerranée, et même la Crète. Il est soigneusement maintenu dans son rôle de « portier des Détroits. » On n’a rien trouvé de mieux pour sauvegarder l’équilibre en Orient. La chrétienté, réunie, une fois de plus, pour décider en maîtresse et du fait et du droit, n’a pas osé abolir le fait de l’occupation musulmane, ni proclamer le droit des populations européennes sur l’Europe. Lord Beaconsfield a déclaré, en plein Congrès, que « l’une des bases principales de la paix générale est l’indépendance du sultan comme souverain européen. »

En Asie, les conditions générales du traité de San-Stefano n’étaient pas sensiblement modifiées. La Turquie cédait définitivement à la Russie les territoires d’Ardahan, Kars et Batoum ; les deux premières conquêtes constituaient, au profit de cette dernière puissance, une voie de pénétration vers l’Asie Mineure et pesaient sur le monde musulman. Les craintes de l’Angleterre au sujet de la route du commerce vers l’Inde par les sources de l’Euphrate avaient été apaisées par la rétrocession de Bayazid et de la vallée d’Alaschkerd à la Turquie et par la remise à la Perse, par la Turquie, de la ville et du territoire de Khotour.

En somme, le résultat le plus important, en Asie, c’était la prise de possession de Batoum par la Russie ; Batoum, il est vrai,