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le rôle qu’il a joué autrefois auprès d’Abd-el-Aziz : ce rôle a été politique au premier chef. Toutes les dépêches racontent que, le long de sa route, il a tenu des propos qui ne sentaient pas du tout le consul, mais bien le ministre, ou même l’ambassadeur. Ce sont ceux qu’il tient maintenant à Moulaï Hafid, et celui-ci pourrait lui répondre : — Vous avez dit la même chose à mon frère ; où cela l’a-t-il mené ? Vous l’avez abandonné ; qui me prouve que vous ne m’abandonnerez pas à mon tour quand vous n’aurez plus besoin de moi ? — Il y aurait un grand intérêt pour l’observateur philosophe à assister aux conversations de Moulaï Hafid et de M. Vassel. On dit que les murs ont des oreilles : s’ils avaient aussi une langue, ils pourraient terminer les phrases que commence le consul allemand, car ils les ont déjà entendues.

Au moment même où il envoyait M. Vassel rejoindre son poste à Fez, le gouvernement impérial a fait une seconde démarche, non moins significative, non moins importante : ses représentans auprès des puissances ont été chargés d’aller voir les ministres des Affaires étrangères des gouvernemens auprès desquels ils sont accrédités, et de leur dire que, dans sa pensée, il serait utile, en vue de la pacification du Maroc, de reconnaître Moulaï Hafid le plus promptement possible. Le gouvernement impérial ne s’est pas contenté d’adresser cette suggestion aux puissances, il en a saisi en même temps l’opinion, et la Gazette de l’Allemagne du Nord, dans une note officieuse, pour ne pas dire officielle, a indiqué le sens et reproduit à peu près les termes de la communication qui venait de leur être faite. Un énorme moellon tombant au milieu d’une eau tranquille ne produit pas plus d’effet : on s’est demandé partout, avec étonnement, ce que voulait l’Allemagne. Allait-elle, reculant de plusieurs mois, de plusieurs années même en arrière, et remontant au delà de la conférence d’Algésiras, reprendre l’attitude qui avait si longtemps et si vivement inquiété l’Europe ? Les apparences pouvaient le faire craindre, car elles sont aujourd’hui à peu près les mêmes qu’autrefois.

L’Allemagne n’ignorait pas, en 1905, les arrangemens qui avaient été pris entre la France, l’Espagne, l’Angleterre et l’Italie, en vue des affaires marocaines ; elle pouvait d’autant moins les ignorer que communication lui en avait été faite ; et cependant, l’empereur Guillaume, prenant tout d’un coup une initiative isolée, a fait à Tanger le voyage dont personne n’a perdu le souvenir. Il pouvait se plaindre peut-être, en tout cas il le faisait, de n’avoir pas été mêlé assez intimement à une affaire dans laquelle il croyait avoir un mot à dire et un rôle à jouer,