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de ses droits de police, qu’elle a spécialement attribués à la France et à l’Espagne. Il est encore trop tôt pour parler de ces choses : tout ce que nous pouvons en dire, c’est que, si les initiatives appartiennent à la France et à l’Espagne, les solutions appartiennent à toutes les puissances.

L’opinion européenne a d’ailleurs accueilli avec beaucoup de calme les dernières nouvelles du Maroc. Personne ne s’en est ému. La chute d’Abd-el-Aziz a paru être une simplification plutôt qu’une complication. Tout le monde, y compris 1er Allemagne, avait le sentiment qu’on ne pouvait pas décemment sacrifier Abd-el-Aziz avant que la fortune l’eût définitivement abandonné ; et tout le monde, y compris la France, commençait à comprendre qu’on ne ferait rien de lui. La situation se présente désormais sous des dehors plus nets. Quant à nous, notre préoccupation est double : elle est à la fois politique et militaire. Nous n’avons pas seulement, comme les autres, à nous poser la question de savoir quand et comment nous reconnaîtrons avec eux le nouveau Sultan ; nous avons aussi à nous défendre contre une agression qui parait imminente dans le Sud oranais, — et cela prouve une fois de plus que la France, au Maroc, ne peut être comparée à personne, tous les mouvemens qui se produisent dans le pays ayant ou risquant d’avoir une répercussion sur son propre territoire. Une autre conséquence se dégage des événemens actuels, à savoir que la sécurité de notre frontière est insuffisante, puisqu’elle est toujours menacée : peut-être aurons-nous, de ce chef, de nouvelles précautions à prendre et devrons-nous leur donner un caractère fixe. Il n’y aura bientôt pour nous aucun inconvénient à évacuer la Chaouïa : pouvons-nous en dire autant des parcelles de territoire que nous avons été amenés à occuper sur notre frontière ? Dans ces régions intermédiaires entre le Maroc et nous, l’anarchie est à l’état permanent. Nous en avons aujourd’hui même une manifestation nouvelle. On annonce, en effet, qu’une harka beaucoup plus considérable que celles dont nous avons l’habitude, est en formation dans le Tafilalet ; on parle même de quinze ou de vingt mille hommes, ce qui est probablement exagéré ; le mirage africain ne se contente pas de rapprocher les objets, il les grossit quelquefois. Quoi qu’il en soit, les points que nous occupons au Sud de Colomb-Bechar, où s’arrête notre chemin de fer, sont exposés à une agression qui semble prochaine. Ils y sont d’ailleurs préparés et nous pouvons attendre avec sang-froid l’attaque que toutes les dépêches font prévoir. Le général Lyautey s’occupe avec activité de la concentration de nos troupes : nous ne