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Mais lorsque, descendant des rochers sur la grève,
Il voit la mer, immense et douce comme un rêve,
Emplir tout l’horizon de son calme infini
Que le soleil mourant de sa clarté bénit,
Il jette son bâton, son sac, sa gourde vide,
Qui n’a plus, dès longtemps, rien pour sa lèvre aride,
Il ôte son manteau déchiré par le vent,
Et dont il voit les trous paraître en l’enlevant,
Il défait sa ceinture et ses lourdes sandales,
Et nu, se redressant, dans les ondes lustrales
Qui lavent la sueur, la poudre du chemin,
Il s’avance, et prenant de l’eau dans ses deux mains,
Verse la pureté du sel sur son visage.
Dans ses membres meurtris expire le voyage,
Et, baigné jusqu’au cœur d’un repos solennel,
Il va vers le soleil comme vers un autel.
Ainsi, lorsque accablé, vaincu par la fatigue,
Las du goût du froment, du vin et de la figue,
Las d’avoir cheminé du rêve et de l’espoir,
Par la haine et l’amour, vers l’acte et le vouloir,
Sentant s’humilier tes épaules moins hautes,
Et portant sur ton cœur la poussière des fautes,
Tu voudras te laver de ton humain effort,
Entre résolument dans les flots de la Mort.


AUGUSTE ANGELLIER.