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Beyrouth, mais le 2, au plus tard. Ce n’est pas le 28 qu’il était à Jérusalem, c’est le 18. Ces erreurs ne sont pas fortuites, — le voyageur ayant, pour vérifier les dates, les notes prises sur ses « albums, » et mieux encore les lettres adressées à sa femme : — elles sont volontaires. Lamartine a préféré distribuer le temps à son gré, d’après la matière dont il disposait. C’est un tort, à coup sûr. Avouerai-je que je ne le trouve pas extrêmement grave ? Il est vrai encore que certains épisodes, — d’ailleurs secondaires, — ne sont pas mentionnés dans nos lettres non plus que dans l’album Syrie-Galilée. Mais les traits essentiels concordent. L’itinéraire, les rencontres, les impressions sont sensiblement les mêmes. Au moins ne saurait-on reprocher à Lamartine, comme on l’a fait pour d’illustres voyageurs, qu’il ait décrit des pays où il n’était pas allé.


COMMENT FUT RÉDIGÉ LE VOYAGE EN ORIENT

C’est ici l’occasion d’examiner un curieux problème, celui de la rédaction du Voyage en Orient. Il a été soulevé cette année même par un érudit écrivain, M. Christian Maréchal, dans un livre auquel on ne peut reprocher que de porter un titre un peu ambitieux : Le Véritable voyage en Orient de Lamartine[1]. M. Maréchal s’est référé aux « albums » de voyage conservés à la Bibliothèque nationale, et sur lesquels Lamartine consignait à mesure ses impressions : il y a constaté de nombreuses différences avec le texte publié. Que faut-il donc penser de l’affirmation de Lamartine répétant à satiété qu’il donne au public ses notes elles-mêmes, sans les avoir revues ni corrigées ?

Il déclare dans l’Avertissement de son livre que ce sont des notes écrites au hasard de la route, « à midi… à l’ombre d’un palmier ou sous les ruines d’un monument du désert, plus souvent le soir sous notre tente battue du vent ou de la pluie… » On reconnaît la manière habituelle de Lamartine et l’attitude où il veut que le lecteur l’aperçoive. Il aime à associer son travail d’écrivain à la vie générale de la nature, à lui donner un cadre pittoresque. Il n’est pas le professionnel penché sur sa table, il est l’inspiré fixant sur le papier l’impression du moment, à la minute même où elle jaillit pour lui d’un beau

  1. Christian Maréchal, Le Véritable voyage en Orient de Lamartine, 1 vol. in-8o (Bloud).