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pieuses femmes, que nous entrevoyons, plus ou moins, derrière tous les saints personnages de ce temps, inspiratrices ardentes ou discrètes, — Mme de Villeneuve, une ancienne dirigée de saint François de Sales, fondatrice des Filles de la Croix. — Et notons encore qu’à Vaugirard, se réunissaient alors, préparant leurs œuvres futures, Jean du Ferrier, Charles Picoté, Jean-Jacques Olier, tous trois du même âge que Portmorand, animés d’une même ferveur, — et tous trois, eux aussi, membres de la Compagnie du Saint Sacrement.

Là, en 1643, le 19 mars, avec quelques compagnons, il ouvrait la maison dont il avait mûri le dessein. Cinq mois après, il la transportait à Paris même, au faubourg Saint-Victor, près de la Pitié, « dans un pays perdu, où la jeunesse était entièrement débauchée et avait grand besoin d’instruction. » Mais il n’avait pour subsister que quelques aumônes et ses faibles ressources personnelles, et son établissement, qui avait reçu tout de suite cent élèves et qui était gratuit, eût immédiatement péri, sans l’intervention de la Reine mère. Informée, elle fit plus que de donner à Portmorand « le pain » qui allait lui manquer ; elle l’alla voir elle-même avec son fils. Ce fut, s’il faut en croire Portmorand, la première des visites de charité du jeune prince ; et ce fut le petit Louis XIV qui « honora du nom » de « Famille Saint-Joseph » la maison naissante. Les charités de la Régente et de Mlle de Montpensier, la protection de Mazarin, qui, « en personne, » obtint du Conseil, pour Portmorand, « de quoi fonder trois amples Familles de pauvres filles séculières, » encouragèrent l’abbé dans une entreprise, déjà en butte, écrit-il, à beaucoup de « contradictions, secousses et médisances. » Les Jansénistes, déjà puissans, étaient-ils pour quelque chose dans ces « secousses ? » C’est possible. Portmorand les avait « trahis. » Il avait, lors de l’emprisonnement de l’abbé de Saint-Cyran à Vincennes et de son procès, déposé contre son ancien maître d’une façon assez grave. Ce ne sont pourtant pas les hommes de Port-Royal que Portmorand accuse : mais les moines, « suppôts du diable qui crèveraient » plutôt, dit-il, que de souffrir qu’on essaie « de faire vivre religieusement ceux et celles qui sont dans le grand monde, lequel ils croient leur appartenir par un droit acquis. » « Les démons bâtiraient cent maisons monastiques plutôt que d’en laisser élever une, pour le public, où l’on fasse de bons chrétiens. »