Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/735

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus encore que par le passé. Leurs mouvemens sont liés si étroitement aux chemins de fer qui les font vivre, que les changemens de front, les opérations débordantes, les attaques de flanc sont devenues fort difficiles. La fixité qui en résulte, dans la direction de leurs masses, facilite la tâche de la cavalerie. D’autre part, lors de la concentration d’une armée en vue de la bataille, l’action de la cavalerie sur les flancs des lignes de marche peut retarder le mouvement de certaines troupes et les empêcher d’arriver à temps. Lorsqu’une bataille est perdue, les troupes sont généralement refoulées par l’action tactique sur d’autres routes que celles par lesquelles elles sont venues. Le désordre est alors d’autant plus grand que le front primitif de combat aura été plus étendu et les masses engagées plus considérables. Là encore la cavalerie trouvera une excellente occasion de s’employer et de changer une retraite en déroute. Ceci se vérifiera surtout contre des troupes de qualité médiocre telles que les formations de réserve. Celles-ci peuvent rendre de bons services dans des conditions favorables, mais une fois battues, manquant d’officiers, épuisées et démoralisées, elles perdront toute cohésion aussitôt qu’elles seront refoulées sur les routes encombrées de bagages, de blessés et de traînards. Lorsque les hommes jettent leurs cartouches, leur fusil, bien qu’à tir rapide et sans fumée, ne saurait les préserver de la lance d’une cavalerie poursuivant sans merci.

Examinons maintenant les conditions générales du début de la guerre. Le succès des premières rencontres dépend essentiellement du fonctionnement régulier des chemins de fer, qui doivent avec sûreté amener les troupes et le matériel dans les zones fixées pour la concentration. Plus tard, les communications ininterrompues avec les magasins permettent seules de gagner du terrain ou d’exécuter une retraite en ordre. Il est clair que la désorganisation des communications de l’adversaire donne à l’assaillant, dès le début, un avantage de premier ordre. La cavalerie étant toujours prête à entrer en campagne, il est naturel qu’on ait songé à l’utiliser immédiatement pour exécuter des « raids » dans la zone de concentration de l’ennemi. Dans cet ordre d’idées, la Russie a groupé à la frontière autrichienne et allemande des forces de cavalerie considérables, soutenues par de l’infanterie légère. De même les Français entretiennent une cavalerie nombreuse en Lorraine. Ces masses sont prêtes à